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Tribune - SoloPro réforme les honoraires d’agence, par Isabelle Vrilliard

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Pendant que la France débat sur la réforme des honoraires, les Etats-Unis font dans le pragmatisme : chacun fait ce qui lui plait. La start-up SoloPro s’est lancée en 2015 à grand renfort de spot TV pendant le Superbowl afin de promouvoir “l’immobilier sans commission”. Et ils ne sont pas les seuls sur le marché

Tribune - SoloPro réforme les honoraires d’agence, par Isabelle Vrilliard - © D.R.
Tribune - SoloPro réforme les honoraires d’agence, par Isabelle Vrilliard - © D.R.

L’immobilier “on demand”

Pas de conclusion hâtive, SoloPro ne fait pas la leçon aux agents immobiliers et ne croit pas à une augmentation des ventes entre particuliers avec ce type de service. D’ailleurs, les dernières statistiques américaines lui donnent raison avec seulement 8 % des transactions réalisées entre particuliers en 2015, le taux le plus bas en 35 ans d’observation par NAR.

Au contraire, Tommy Sowers, le DG fondateur de SoloPro “ne croit pas qu’une transaction immobilière puisse se faire sans un agent immobilier”. Mais il croit aussi que de nombreux clients sont aujourd’hui parfaitement capables de trouver tout seul leur logement en ligne, ou même de négocier un prix ; et il sait aussi que ces mêmes clients peuvent avoir besoin d’être accompagnés dans la paperasse ou qu’un propriétaire voudra qu’on lui organise une open house. SoloPro veut leur permettre de ne payer que pour les services dont ils ont réellement besoin, “a la carte” en français dans le texte. C’est la fin du couplage obligatoire imposé par la commission - généralement de 3 % pour l’acheteur et 3 % pour le vendeur aux USA.

Une tarification qui a le mérite de valoriser le métier

SoloPro construit avant tout une marketplace de mise en relation entre consommateurs immobiliers et professionnels - 1300 agents dans 47 états à ce jour. Le modèle économique pourrait être celui de la commission, mais Solopro choisit aussi le principe des frais fixes, avec comme source principale de revenus un abonnement mensuel au “Preferred Agent Program”. Les agents immobiliers y souscrivent car ils sont à la recherche de clients sérieux et matures dans leur projet. Ils sont payés en tant qu’indépendants, à chaque fois qu’ils travaillent, et ce en parallèle de leur activité classique avec leur broker.

SoloPro a levé 1,6 million de dollars pour se déveloper, avec pour vision à terme d’élargir ses services à tous les métiers de la maison (assurance, prêt, travaux…) mais aussi d’élargir sa présence “en France peut-être dans 2-3 ans” réfléchit Tommy Sowers. Pas de plan pour attaquer tel ou tel pays d’Europe en fonction du poids des agences ou des montants des commissions, “notre ennemi ce n’est pas le particulier ou le professionnel, c’est l’inefficacité : certains agents travaillent 2h pour gagner jusqu’à 7 % de la vente, quand d’autres travaillent 200h en vain. Notre cible, ce sont les marchés où l’immobilier est dynamique mais où il y a de l’inefficacité” explique Tommy Sowers.

Et si l’innovation c’était juste de donner le choix ?

SoloPro n’est pas une lubie isolée. D’autres sociétés proposent des tarifs fixes et sur-mesure. Le réseau d’agents Redefy, présent dans 10 états, vend les maisons pour un package de 2500$ ; Listingdoor.com lancé en 2015 fait payer aux particuliers des services de 399$ à 799$ pour marketer leur bien comme des pro ; Owners.com, le pionnier du PAP aux USA, est devenu un broker national afin de pouvoir accéder aux MLS et propose aussi des services à la carte.

Est-ce l’avenir de la rémuneration des agents immobiliers ? Il est certain que de chaque côté de l’Atlantique la tendance générale n’est pas vraiment à la hausse des commissions, notamment parce que le grand public a souvent le sentiment de pouvoir faire une partie du boulot tout seul. En France, 30 % des professionnels de l’immobilier disent craindre une hausse des transactions entre particuliers, mettant eux-mêmes en cause la commission jugée trop élevée et / ou inadaptée au service rendu, selon l’étude ImmOpinion 2016.

Cependant, avec des frais fixes, on peut aussi s’interroger sur la motivation de l’agent à réussir sa vente (montant, délais). A cet égard, l’approche la plus intéressante est peut-être celle du Brian Wilson Realty Group qui mixe des frais fixes au démarrage (500$) avec une commission de 0.5 % sur la transaction - un pourcentage à comparer aux habituels 3 % pour le vendeur. Il va sans dire que cela fonctionne mieux dans un marché où personne ne signe plusieurs mandats.

Le point commun à toutes ces démarches, c’est d’associer une valeur à chacun des services et technologies que le consommateur moderne ne pourrait s’offrir lui-même. C’est aussi de laisser le choix au client entre un full service payé au résultat et un service à la carte facturé à la consommation. Or le consommateur aime avoir du choix.

A propos de l’auteur :
Isabelle Vrilliard a dirigé le site AVendreALouer.fr de 2011 à 2013, suite à un parcours exclusivement web à la tête des services marketing de Cadremploi.fr et ParuVendu.fr. Aujourd’hui expatriée en Floride, elle épluche les oranges et l’actualité de l’immobilier en ligne américain