Franchise

« En France, il faut que notre logiciel change » (Yann Jéhanno, président de Laforêt)


Taxes qui s’amoncellent, manque d’homogénéité sur le plan fiscal, absence de projets pour créer de la croissance… Yann Jéhanno, président de la franchise Laforêt, déplore, dans nos colonnes, une France où règne une vision qu’il qualifie de « comptable ». Une bonne nouvelle, toutefois, pour ses 720 agences sous enseigne : elles sont portées, depuis plusieurs mois, par une dynamique d’activité positive, après une année 2024 en croissance de 7 %.

Yann Jéhanno, président de la franchise immobilière Laforêt - © Laforêt France
Yann Jéhanno, président de la franchise immobilière Laforêt - © Laforêt France

Quel bilan dressez-vous de 2024, pour Laforêt, en termes de volume de transactions ?

L’année a été découpée en quatre parties : un premier trimestre calme, voire anxiogène, confirmant nos craintes de la sortie de 2023 ; un deuxième trimestre synonyme de déclic pour les Français qui, côté acquéreurs, sont revenus sur le marché avec des projets immobiliers et, côté vendeurs, ont commencé à écouter ses fondamentaux.

Puis s’en est suivi un été compliqué, durant lequel les projets ont été gelés à cause de la dissolution de l’Assemblée nationale et des Jeux Olympiques. Et enfin, à partir de la mi-août, nous avons connu une accélération du volume de nos transactions jusqu’à la fin de l’année.

Résultat : avec 21 000 actes signés en 2024, nous avons enregistré, au sein du réseau Laforêt, une progression de nos ventes de 7 % en 2024 par rapport à 2023.

Quelles ont été les clés qui ont permis ce retour de la croissance ?

Il y a, tout d’abord, la baisse des taux de crédits, qui sont passés, en quelques mois, de 4,20 % à 3,30 %. Cette baisse a permis de donner aux acquéreurs 10 % de pouvoir d’achat supplémentaire.

Deuxièmement, la correction des prix de l’immobilier, soit -3,6 % à l’échelle nationale sur l’ensemble de 2024, a redonné de la fluidité aux projets immobiliers.

En 2024, 90 % de nos ventes ont fait l’objet d’une négociation

Retenons également, comme autre facteur de croissance du marché, la généralisation des négociations, avec des propriétaires qui ont accepté de revoir leur prix à la baisse pour faire aboutir les transactions : l’an passé, 90 % des ventes réalisées au sein du réseau Laforêt ont fait l’objet d’une négociation, c’était seulement 60 % en 2022.

Je salue ici le travail réalisé par les agents immobiliers de Laforêt : ils ont, tout au long de l’année, préparé le terrain, réalisé un gros travail de fonds pour faire comprendre aux vendeurs la nouvelle réalité du marché. Nos négociateurs ont été écoutés. Et c’est très positif pour cette année 2025.

Dans son bilan annuel, la Fnaim a annoncé un marché de l’immobilier 2024 en recul de 11 % au niveau des volumes de transactions. Or, tous les grands réseaux immobiliers, dont fait partie Laforêt, ont révélé des ventes en hausse. Comment expliquer ce paradoxe ?

J’ignore comment la Fnaim mesure le marché. Mais il ne fait aucun doute qu’au global, au niveau des transactions réalisées, il a baissé en 2024 et que, dans le même temps, un certain nombre d’acteurs l’a surperformé, dont Laforêt.

Contrairement à certains indépendants, qui sont le cœur des adhérents de la Fnaim, les grands réseaux immobiliers que vous évoquez, organisés pour la plupart en franchise, sont plus diversifiés dans leurs activités, en développant à la fois les métiers de la vente, de la location, de la gestion locative et du syndic.

Nos franchisés ont su se positionner sur les biens à fort potentiel, positionnés cœur de marché

Certainement que cette diversification nous a permis de mieux traverser la crise. Je prends un exemple : lorsque l’on gère des biens en location et en copropriété, on est mieux placés et mieux armés pour capter des mandats de vente et ainsi améliorer ses volumes de transactions.

De plus, les structures en franchise sont mieux équipées, elles investissent davantage dans les outils pour capter des leads. Nous déployons également des outils d’assurances, de formation… Soit tout une gamme de solutions qui nous permet d’être plus performants.

Enfin, chez Laforêt, nos franchisés ont su se positionner sur les biens immobiliers à fort potentiel, positionnés cœur de marché, c’est-à-dire avec un prix de vente autour de 250 000 euros en milieu rural et semi-urbain, et autour de 450 000 euros dans les métropoles.

Le Groupe BPCE a annoncé, le 8 janvier dernier, 1 232 défaillances d’agences immobilières en 2024, c’est une augmentation de 225 % par rapport à 2023. Qu’est-ce que ces chiffres vous inspirent ?

Cette communication me met en colère. En France, on adore communiquer sur le malheur des autres, on se tape sur le ventre en constatant des entreprises au tapis. Ça fait vendre, ça fait du buzz. Mais c’est déplorable.

Aux États-Unis, c’est tout l’inverse ! J’entendais ce matin Bernard Arnault, dans le cadre de la publication des comptes annuels du groupe LVMH, dire qu’outre-Atlantique régnait un climat d’optimisme, alors que chez nous, c’est la douche froide.

En France, on adore communiquer sur le malheur des autres. Ça fait vendre. Mais c’est déplorable.

Trop peu d’études font cas de ceux qui ont le goût d’entreprendre, qui prennent des risques, qui s’en sortent. Alors oui, il y a eu une régulation au niveau des agences immobilières en France, nous ne pouvons pas l’occulter. Mais elle ne sont pas les seules : les réseaux de mandataires ont, eux aussi l’an passé, perdu beaucoup de conseillers, soit près de 10 000.

L’augmentation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) est en passe d’être adoptée, même si elle ne concernera que l’ancien et épargnera les primo-accédants. Que vous inspire également l’adoption de cette mesure ?

Permettez-moi cette expression : « Rien de neuf sous le soleil au pays des taxes… »

Règne en France une vision que je qualifie de « comptable ». Il n’y a, dans notre pays, aucune vision pour créer de la croissance. On taxe les entreprises, les particuliers…

Il faut que notre logiciel change. L’emploi est en train d’y être détruit, au même titre que les entreprises. Les Français ont du mal à se loger, à remplir leur frigo, leur réservoir d’essence. Et dans ce contexte, le seul projet porté par notre pays est un projet de comptable. Aucun projet de relance n’a été initié.

De quels leviers la filière immobilière a-t-elle besoin ?

D’abord, d’une fiscalité homogène : il est anormal qu’elle soit différente selon que l’on soit dans l’immobilier neuf ou ancien. Même constat pour le marché de la location : pourquoi avoir instauré une fiscalité différente entre la location courte et la location longue durée ?

Il y a deux catégories de Français qu’il faut encourager : d’une part les primo-accédants, qui ont un mal fou à se loger, et qui ne représentent plus qu’un tiers des acquéreurs, contre jadis deux tiers.

Et d’autre part, les investisseurs. Il faut leur redonner de la lisibilité. Regardez combien le marché de la location est devenu tendu. Ces dernières années, les investisseurs ont été découragés : on leur a tapé dessus avec la taxe foncière, l’encadrement des loyers, la loi Climat et Résilience… Résultat : ils ont gelé leurs projets.

Les investisseurs ont été découragés : on leur a tapé dessus avec la taxe foncière, l’encadrement des loyers, la loi Climat et Résilience…

Les investisseurs méritent qu’on les respecte davantage : ils s’endettent, prennent des risques financiers pour fournir des logements là où les pouvoirs publics et l’État sont en échec, notamment sur le terrain du logement social. Les investisseurs devraient pouvoir s’appuyer sur un cadre, avec des règles du jeu qui ne changent pas. Il leur faut un véritable statut du bailleur privé.

Aujourd’hui, les investisseurs pèsent chez Laforêt 16 % des transactions, contre 27 % il y a quelques années. C’est dire combien le marché de l’investissement locatif s’est effondré.

Comment se porte le marché en ce début d’année ?

Nous sommes dans la continuité de 2024, avec une dynamique d’activité qui reste positive, favorisée par des taux qui demeurent raisonnables. Les porteurs de projets immobiliers ont mis au second plan l’instabilité politique que nous vivons.

Les prix se sont aussi corrigés dans de nombreux secteurs géographiques ; à Paris, par exemple, ils sont revenus à leur niveau de 2018.

Reste ce coup de canif de la hausse des droits de mutations à titre onéreux. Il conviendra de bien observer comment cette hausse sera digérée par les acquéreurs, et notamment les primo-accédants.

Laforêt vient d’annoncer le lancement, pour ses adhérents, d’un nouvelle offre de syndic de copropriété. Pour quelles raisons et avec quels objectifs ?

Après la location et la gestion locative, deux segments de marché que nous avons lancés, à l’attention de nos franchisés, suivant notre plan de diversification métiers initié en 2012 (1), le troisième étage de la fusée est, aujourd’hui, le syndic de copropriété.

Pour mettre sur pied cette activité, nous nous sommes appuyés sur une trentaine d’agences, sorte de laboratoires, qui ont développé, au fil de ces dernières années, cette offre de syndic, en licence de marque.

Après avoir recruté des compétences, conçu des programmes de formation, puis nous être équipés de logiciels métiers, nous ouvrons, cette année, le métier de syndic aux agences du réseau Laforêt.

Au second semestre, nous lancerons une nouvelle marque Laforêt, positionnée sur le milieu haut de gamme

Toutefois sous condition d’agrément : pour la proposer, il convient d’être en bonne santé financière - car le lancement de cette activité requiert des investissements - et d’avoir une expérience significative en gestion locative. Notre ambition est, qu’à horizon 2026, environ 150 agences Laforêt déploient cette offre de syndic.

J’annonce, par ailleurs, qu’au second semestre cette année, nous lancerons un autre segment de marché, dans le domaine de la transaction, avec la déclinaison d’une nouvelle marque Laforêt positionnée sur le milieu haut de gamme, dont je suis tenu, pour l’heure, de garder le nom confidentiel.

L’objectif est d’aller chercher de belles demeures en zone rurale à 750 000 euros et de beaux biens entre 1,5 et 5 millions d’euros en milieu urbain.

(1) En 2024, Laforêt a réalisé 26 000 locations et comptait dans son portefeuille de gestion locative 70 000 logements -