3 choses indispensables à savoir sur les classements immobiliers
Le | Portails de petites annonces
Les classements n’en finissent plus de se contredire. Pourquoi les chiffres d’audience des portails varient-ils si brutalement d’un mois à l’autre et d’une source à l’autre ? Voici quelques pistes pour comprendre les biais (parfois surréalistes) et mieux décrypter ces données, qui restent intéressantes pour analyser la performance des sites d’annonces
1. Médiametrie vs ODJ : des méthodologies totalement différentes
Comme pour la télévision, Médiamétrie / Nielsen NetRatings a recours à un panel pour la mesure de l’audience web. Les données de cet organisme correspondent donc à une extrapolation statistique, qui diverge souvent assez radicalement des résultats observés par les outils de mesure internes des portails. « Ces chiffres sont largement décriés par la profession pour leur manque de réalisme. Médiametrie / Nielsen NetRatings reste toutefois la référence car c’est la seule source qui permet aux portails d’accéder à des informations socio-démographiques sur leur audience - et à un classement » observe Isabelle Vrilliard, ex-DG d’AVendreALouer, désormais consultante. Tandis que les internautes sont nombreux à effectuer leur recherche immobilière depuis leur lieu de travail, les boîtiers de tracking sont principalement installés au domicile des panelistes, par exemple. Pour limiter ces biais, Mediametrie a lancé en 2012 une mesure dite hybride, qui repose toujours sur son panel, tout en intégrant des mesures d’audience « site-centric » - et non plus seulement « user-centric ». Malgré tout, le débat sur la légitimité des panels demeure…
De son côté, l’OJD diffuse des données déclarées par les portails eux-mêmes, puis certifiées. Ici, ce ne sont pas les internautes qui sont trackés, mais les ordinateurs. « Or, dans une famille, plusieurs personnes peuvent utiliser le même équipement » rappelle Isabelle Vrilliard. En somme, il n’y a ni bonne ni mauvaise méthode.
2. Les portails ont leurs petits trucs pour booster artificiellement leur audience
« Si un portail veut augmenter son nombre de visiteurs uniques, il lui est très facile d’acheter du trafic de faible qualité sur des sites de jeux video par exemple ; évidemment, ces nouveaux visiteurs ne convertiront pas » assure Benoît Galy, PDG de Green-Acres. Faire de la gonflette pour faire bonne figure dans les classements scrutés par les analystes financiers serait en effet monnaie courante chez les portails. « Les grosses variations d’audience dans les classements s’expliquent en partie par des stratégies qui visent à obtenir un trafic tactique, qui n’apporte rien en termes de business ; je l’appelle junk trafic : il fait grossir mais n’est pas bon pour la santé » confirme Isabelle Vrilliard. Parmi les autres astuces classiques : les concours en ligne. « Il y a quelques années, des sociétés proposaient aux portails des prestations pour inviter des panelistes à participer à des jeux concours organisés sur leur site. Il suffisait alors de toucher quelques dizaines ou centaines de personnes du panel pour gagner plusieurs centaines de milliers de VU au classement. Le marché semble toutefois s’être assagi » ajoute-t-elle
3. D’autres indicateurs doivent être pris en compte
Le nombre de « visiteurs uniques » (VU) reste le nerf de la guerre qui oppose les portails. Reste que, prise séparément, cette donnée ne veut pas dire grand-chose pour un professionnel immobilier. Mieux vaut-il miser sur un site qui rassemble 1 million d’annonces et 500 000 VU ou bien l’inverse ? Un portail avec un très fort trafic, beaucoup d’annonces mais peu de pages vues sera de facto moins performant qu’un concurrent qui a moins d’offres mais davantage de pages vues. « Ce qui compte pour un agent immobilier, c’est de savoir si ses annonces sont consultées ou non. Le reste, c’est de la littérature » estime Benoît Galy. Dans le cas de ce portail de niche, l’exemple est flagrant : il héberge 10 voire 15 fois moins d’annonces que certains challengers généralistes du marché, avec parfois autant de pages vues. Il apparait pourtant toujours très loin dans les classements Mediametrie NetRatings, qui excluent de fait le trafic issu de l’étranger, son coeur de cible.
« N’hésitez pas à challenger le discours commercial des portails, en leur demandant par exemple des informations sur le nombre total de recherches dans votre secteur, le rapport entre visites, pages vues et volume d’annonces ou le volume de visualisations de vos offres. Si vous ne faites que de la vente, il peut être intéressant de connaître la part d’audience des rubriques « à vendre » et « à louer », car par définition, le trafic location ne vous intéresse pas« recommande Isabelle Vrilliard. Et d’ajouter : »La nouvelle génération d’agents immobiliers, ultra-connectée, est habituée à suivre tous les jours à titre personnel des “like”, “retweet" et autres “vues de profil”, donc possède une vraie culture de la performance statistique. Les portails ont une carte à jouer à être transparents.
Gaëlle Fillion