Intercabinet : clap de fin pour la plateforme Lici
Par Christian Capitaine | Le | Mobile
Lancée en 2017, la plateforme de partages de mandats Lici, qui comptait près de 13 000 utilisateurs, vient de cesser son activité. Son fondateur, Rudy Cohen, en détaille les raisons à ImmoMatin. Et reste convaincu de la pertinence de l’intercabinet dans l’immobilier, à condition, dit-il, que les professionnels mettent le client final au centre de leur préoccupation, et non pas le produit.
Pour quelles raisons Lici cesse son activité ?
Depuis sa création, en 2017, la plateforme Lici a bénéficié d’un financement collaboratif issu de notre communauté Facebook. Les montants levés lors des différents tours de table (moins de 700 000 euros en quatre ans) n’ont jamais été suffisants pour satisfaire nos besoins, aussi bien en « tech » qu’en développement commercial.
J’ai malgré tout essayé de développer l’entreprise avec « les moyens du bord » et en m’appuyant sur une équipe très motivée, que je salue. Malgré le buzz que nous avons fait, nous étions toujours sur le fil du rasoir. Et la crise du Covid-19, conjuguée à l’arrêt de l’activité immobilière durant les confinements successifs, ont eu raison de notre maigre filet de sauvetage.
Par ailleurs, nous étions en discussion très avancée avec deux investisseurs importants, mais qui n’avaient pas la même échelle de temps que la nôtre (c’est le lot des grands groupes). Nous aurions pu, avec notre base de fidèles clients, continuer à vivoter, mais sans financements solides les répercussions négatives sur la qualité de nos services auraient été trop importantes. J’ai donc préféré arrêter l’activité de la plateforme.
A quand remontent vos difficultés ?
Elles ont commencé dès le début de l’aventure ! Lancer une plateforme de partage de mandats nationale à partir d’un groupe Facebook n’est pas une entreprise facile ! Il a fallu, déjà, s’imposer dans le paysage immobilier très fermé et - je n’ai pas peur de le dire - réfractaire à la modernité, par ailleurs soutenu par de très puissants lobby.
D’ailleurs, la place du politique dans notre industrie est tellement puissante et déconnectée de la réalité qu’elle ralentit toute tentative d’innovation au grand dam des professionnels et du client final.
Heureusement, ce sont les agents immobiliers sur le terrain qui nous ont poussés à persévérer. Grâce à leur appui, nous avons rassemblé plus de 13 000 agents, représentant l’intégralité des réseaux en à peine quatre ans. C’est devant la difficulté que l’on innove.
Quelles sont les conséquences pour vos clients. Avez-vous un message à leur adresser ?
Lici s’arrête, oui, mais la collaboration continue ! Le plus important, c’est d’avoir fait bouger les lignes et que cet état d’esprit perdure. La preuve : j’ai réactivé notre groupe Facebook initial (en accès gratuit) qui a été pris d’assaut par nos anciens clients (www.facebook.com/groups/intercabparis) et qui continuent à y faire des affaires. Cette communauté vivra au-delà de l’outil. Et si je peux faire passer un message : « Pensez à vos clients avant de penser à vos honoraires. Ou bien changez de métier ! »
L’inter-cabinet a-t-il de l’avenir dans le monde de l’immobilier ?
Je dirais plutôt : l’immobilier a-t-il de l’avenir sans l’intercabinet ? Cela fait vingt ans que différentes solutions essaient de s’imposer sans réussir à le faire. Tant que les professionnels n’apprendront pas à se respecter entre eux et qu’ils n’auront pour priorité de mettre le client final au centre de leur préoccupation (et non le produit) ce sera une utopie… Non seulement les Français continueront à détester les agents immobiliers, mais pire, ils iront ailleurs… pour un service facturé 999 euros.
Aux Etats-Unis, là où le partage de mandats est une véritable religion, les professionnels possèdent 92 % du marché. Chez nous, seuls 25 % des Français envisagent de confier leur bien à un professionnel. Il n’empêche : j’ai l’intime conviction qu’avec un financement plus solide Lici aurait pu devenir incontournable.