Les portails immobiliers espagnols résistent à la crise
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La FF2I a organisé les 18 et 19 avril derniers, son voyage d’études 2013 à Barcelone. L’occasion de rencontrer les principaux acteurs espagnols et de prendre le pouls de ce marché en pleine crise. Comment les grands sites immobiliers résistent à la tempête
? Quelles sont les tendances marquantes ?
Durant les années 2000, le marché immobilier espagnol a connu des années de folle croissance. Les crédits étaient accordés extrêmement facilement, les prix ne cessaient d’augmenter, les mises en chantier se multipliaient, le nombre d’agences explosait… Mais, dès 2007, la tendance se retourne. Après cinq années de crise continue, le bilan est sans appel. Le nombre estimé de transactions s’est effondré, passant de 800 000 en 2007 à 300 000 en 2012. Les prix ont baissé partout de 35 %. Et la correction n’est pas terminée. Les experts prévoient encore un an et demi de baisse pour une chute globale de 50 %. Les agences ont bien entendu été touchées de plein fouet. Estimé à plus de 40 000 avant 2007, leur nombre serait de 20 000 maintenant. Les réseaux ont explosé et pratiquement disparu. La norme aujourd’hui est le dirigeant d’agence seul, ayant dû se séparer de tous ses collaborateurs, attendant des jours meilleurs. Dernier point, une nouvelle catégorie d’annonceurs est apparue : les banques. Ces dernières, suite aux saisies, possèdent de très nombreux biens à vendre et sont massivement présentes sur Internet.
Les sites immobiliers leaders s’adaptent
Cette crise profonde et longue a bien sûr eu des répercussions sur les acteurs de l’immobilier en ligne. Les portails de taille moyenne ont terriblement soufferts et la grande majorité a fermé boutique. Les leaders ont réduit leurs dépenses, retardé les investissements et baissé leur prix. Anuntis, l’éditeur numéro un de sites de petites annonces en Espagne, a par exemple fermé entre 2006 et 2008 ses 200 journaux papiers, licenciant 400 personnes, pour se concentrer sur Internet. Racheté en 2006 par le norvégien Schibsted (propriétaire du Bon Coin en France), Anuntis édite l’un des deux portails immobiliers spécialisés leaders en Espagne : Fotocasa.es et la version espagnole du Bon Coin : Segundamano.es. Son pack « puissance 2 » a été l’un de ses grands succès de ces dernières années. Malgré la chute du marché, Anuntis a maintenu un CA de 60 millions d’euros avec une marge d’exploitation multipliée par 10 depuis 2008.
Le deuxième portail immobilier leader est un site indépendant : idealista.com. Ce pure-player, lancé en 1999, a ensuite ouvert des filiales en Italie et au Portugal. Il emploie 250 personnes et réalise l’une des plus fortes audiences du marché avec 5,5 millions de visiteurs uniques par mois. Le podium espagnol est complété par Pisos.com. Ce nouvel entrant a été lancé en 2009 par un groupe de presse quotidienne régionale côté en Bourse : Vocento. Un fort investissement de 10 millions d’euros lui a permis d’accélérer sa croissance et de rassembler une audience dépassant le million de visiteurs uniques par mois. Pisos.com édite aussi un logiciel de transaction reconnu : HabitatSoft.
Les trois tendances fortes
Trois grandes tendances se sont dégagées des échanges avec ces acteurs majeurs :
- La méfiance vis-à-vis de Google. Ces portails ont beaucoup misé sur le référencement naturel et payant pendant des années. Ils veulent aujourd’hui diminuer leur « Google dépendance » et être moins exposé aux changements du moteur de recherche. Pour cela, ils investissement sur leur marque à travers des campagnes de communication TV et des actions de marketing ciblées.
- La montée du mobile. Comme en France, les connexions hors PC (smartphones, tablettes) sont en pleine expansion. Elles représentent déjà plus de 30 % de l’audience de ces grands portails et devraient atteindre les 50 % l’année prochaine.
- L’ouverture aux particuliers. Avec la crise et les montées des sites gratuits (segundamano.es, milanuncios.com, enalquiler.com) les portails leaders publient les annonces des particuliers et cela, malgré l’avis des agences opposées à ce choix. Le modèle économique est celui du freemium : la parution de base est gratuite et des options payantes sont proposées. Une telle approche pourrait-elle donner des idées aux sites immobiliers pour les professionnels en France ? S’il y a peu de chance de voir les sites leaders prendre ce risque, les challengers ne pourraient-ils pas être tentés ?
Laurent Pilliet