Tribune : Opendoor et Purplebrick sont les 2 modèles qui ont marqué 2017- Isabelle Vrilliard
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Deux business modèles ont marqué l’année à l’étranger. Autant sauter à la conclusion tout de suite : « Si les gens attendent un Uber de l’immobilier, cela n’arrivera pas » d’après Mike Delprete, consultant américain en stratégie des technologies de l’immobilier. Morceaux choisis de notre entretien
Le premier business modèle remarquable est celui des iBuyers, avec, pour les plus connus aux USA, Opendoor, OfferPad, Knock et Redfin - lequel est d’abord un réseau immobilier traditionnel. Pour rappel, les iBuyers sont ces sociétés qui, à la suite d’un formulaire en ligne, proposent au propriétaire une offre d’achat ferme sous 48h, puis qui revendent ces maisons, vides et rafraîchies, sur Internet. Opendoor grossit : +150 % de ventes de maison en 2017 par rapport à 2016. On parle déjà de + de 300 ventes de maisons par mois sur les deux seuls marchés de Phoenix et Dallas. Pour Mike Delprete, « le modèle des iBuyers est fantastique dans la manière dont il change la façon d’acheter et vendre des maisons ». Pour lui, l’enjeu majeur est dans le prix, ce qui requiert beaucoup de big data, et dans la capacité à trouver son « sweet spot », ce qui signifie, trouver le segment de marché où une entreprise satisfait les besoins des clients d’une façon dont les concurrents ne le peuvent pas ; pour Opendoor, ce sont les maisons à 200,000 $.
En France, j’ai pu lire des articles sur le thème « Opendoor veut supprimer les agents immobiliers ». C’est une lecture erronée du marché américain. Là-bas, 90 % des transactions se font via un professionnel de l’immobilier, et les transactions d’Opendoor ne font pas exception à ce chiffre. Ils collaborent avec des agents immobiliers, et ces derniers, pour les plus réceptifs aux évolutions de leur métier, ont bien compris que les iBuyers leur faisaient parfois gagner du temps sans perdre leur commission. Aujourd’hui, les iBuyers ont pris environ 1 à 2 % de part de marché et Mike Delprete prédit qu’ils ne prendront pas plus de 5 %. Cela peut sembler très faible, mais cela reste un business juteux, qui attire beaucoup d’acteurs, dans un pays qui enregistre plus de 5 millions de transactions par an. De par leur impossibilité à couvrir tout le marché (les iBuyerse ne s’intéressent qu’aux maisons de moins de 500,000$) et leur collaboration avec tous les acteurs en place, pour Mike Del Prete, les iBuyers ne sont pas le Uber de l’immobilier.
Ce qu’ils offrent en revanche, et tout est dit dans cette phrase du consultant « c’est le choix nouveau qui est donné aux propriétaires et aux acheteurs ; or rien n’empêche les agents immobiliers de réfléchir en ces termes pour proposer eux aussi de nouvelles alternatives dans l’expérience client ».
L’alternative, c’est aussi la promesse de Purplebrick et les agents immobiliers dit « on-line » avec commission fixe. Purplebrick a un réseau de 650 agents au UK, 100 en Australie et en avait 24 aux USA, un mois après leur lancement en septembre 2017. Décrit par Mike DelPrete, « Purblebrick offre à un vendeur, pour 3,000$, un service perçu comme moderne, reposant sur de la technologie, opéré par des professionnels, avec un accès 24/7 à un call center de vraies personnes, et qui se veut, en un mot, meilleur ». Mais autant au UK où il n’y a que des agents vendeurs, la promesse consommateur était simple « les agents immobiliers sont mauvais, Purplerick est l’alternative », autant aux USA « une telle approche ne fonctionnerait pas vu le poids de la profession et le rôle des agents acheteurs » poursuit-il.
La part de marché des « agents on-line » est estimée aujourd’hui à 5-6 % au UK, Purplebrick détenant à lui seul les ¾ de ce segment. Aux USA il est encore très tôt pour PurpleBrick, mais d’autres offres concurrentes existent, ultra-locales tant le pays est gros. Il s’agit là encore d’un modèle qui grossit, doucement. Mike Del Prete pense que d’ici 10 ans, ils gagneront peut-être 10 points de part de marché, seulement. Néanmoins, chaque 1 % pris sur le marché a un impact fort sur les gros acteurs. Ce modèle est encore très jeune et « il n’y a pas de preuve que les gens soient prêts pour cela. Acheter ou vendre une maison, ce n’est pas comme prendre un taxi pour l’aéroport » selon les mots de l’analyste.
Purplebrick est un cas d’école d’autant plus intéressant qu’ils sont dans 3 pays. L’immobilier étant très local, peu d’acteurs réussissent en dehors de leurs frontières. Alors en guise de conclusion, j’ai demandé à Mike DelPrete si les Google, Amazon ou Facebook pouvaient être les prochains modèles à sensation de l’immobilier. Facebook, de toute évidence, est entré par plusieurs portes dans la maison - avec sa marketplace de la location et son nouveau produit publicitaire immobilier aux US - un acteur que Mike DelPrete surveille de près. Si ce n’est leur image de « supermarché », Amazon, déjà présent dans les maisons américaines avec son intelligence artificielle Alexa et son Amazon Key, pourrait tenter de jouer un rôle selon moi. Pourquoi est-ce que ces deux gigantesques marketplaces, championnes du networking et du e-commerce, se détourneraient-elles de la plus grosse transaction intermédiée de la vie d’un consommateur ? Il leur reste à trouver l’alternative. A moins que les professionnels de l’immobilier ne le fassent avant eux.
A propos de l’auteur : Isabelle Vrilliard a dirigé le site AVendreALouer.fr de 2011 à 2013, suite à un parcours exclusivement web, à la tête des services marketing de Cadremploi.fr et ParuVendu.fr. Aujourd’hui expatriée en Floride, elle épluche les oranges et l’actualité de l’immobilier en ligne américain.
Isabelle Vrilliard