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« Il y a une urgence politique dans le logement » (Loïc Cantin, président de la Fnaim)

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Projet de loi de finance 2023, statut des bailleurs privés, encadrement de la profession des diagnostiqueurs, respect des mentions obligatoires dans les annonces de location, protection des logements contre l’occupation illicite, coaching immobilier de PAP, perspectives pour le marché immobilier en 2023… Loïc Cantin, nouveau président de la Fnaim, a répondu, dans une interview à notre partenaire News Tank Cities, aux questions qui animent, depuis plusieurs semaines, l’industrie immobilière en France.

Loïc Cantin, président de la Fnaim - © D.R.
Loïc Cantin, président de la Fnaim - © D.R.

Quelles sont vos attentes à propos du Projet de loi de finance 2023 en cours d’examen, à l’heure où vient de se tenir le 76e Congrès de la Fnaim les 5 et 6 décembre 2022, à Paris ?

Il y a une urgence politique dans le logement. En tant que professionnels, nous avons besoin de lisibilité. Ce qui n’est pas le cas en ce moment. Nous sommes plus dans la « mesurette » et le raccommodage que dans la simplicité et la remise à plat des dispositifs.

Prenons l’exemple de la fiscalité sur les meublés touristiques. Il est plus question de restriction que d’incitation. Nous touchons au droit de la propriété. Dans nombre de villes balnéaires, les meublés touristiques font partie des capacités d’accueil.

Dans un sens plus positif, nous avons porté l’amendement sur le déficit foncier. C’est une demande depuis 30 ans. Il est nécessaire de faire un geste à destination des bailleurs à qui l’on demande de faire un effort.

Le Projet de loi de finance est le bon moment pour faire entendre nos messages à l’Assemblée nationale, notamment auprès de Thibault Bazin, François Jolivet… et au Sénat auprès de Dominique Estrosi Sassone ou Jean-Baptiste Blanc, avec qui nous travaillons bien.

Où en est la proposition portée par la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers sur l’encadrement de la profession de diagnostiqueur pour la réalisation des DPE. Pourquoi militer pour l’instauration d’une carte professionnelle qui permettrait de garantir la compétence des diagnostiqueurs, avec un minimum d’expérience pour pouvoir s’installer ?

Nous soutenons la démarche de la carte professionnelle D reprenant le modèle de la carte T immobilier pour les transactions immobilières. Tout ce qui contribue à donner de la visibilité et des assurances à nos clients est bienvenu. Il ne peut y avoir de place pour l’amateurisme dans nos métiers, y compris dans les activités connexes.

Même s’il reste une estimation de la performance énergétique, et non une étude thermique, le DPE doit bénéficier d’une confiance totale. Les enjeux liés à l’étiquette énergétique sont devenus trop importants au sujet des diagnostics qui donnent le droit d’augmenter son loyer ou à partir de janvier 2023, de signifier si un logement pourra encore être loué.

Faut-il, selon vous, remettre sur l’ouvrage le modèle de la loi Hoguet et comment anticiper les travaux de l’Autorité de la concurrence et de la mission d’enquête sur le fonctionnement du marché immobilier en France ?

L’Autorité est saisie et nous sommes dans l’attente des conclusions au 1e trimestre 2023. Ce sera l’occasion pour la Fnaim de faire de nouvelles propositions sur les thèmes de l’aptitude et du contrôle des professionnels.

Pour autant, vouloir comparer le marché français à ses homologues européens n’est pas la bonne approche. En Espagne, par exemple, le marché est déréglementé, sans sécurité ni mandat. Nous sommes contre ce modèle. En France, nos clients sont globalement satisfaits. En 30 ans, notre part de marché est passée de 40 % à 68 %.

Le statut du bailleur privé continue de faire l’objet de débats. Qu’en pensez-vous ?

C’est un serpent de mer même si certains propos récents d’Emmanuel Macron et d’Olivier Klein laissent penser qu’il y a une ouverture. Le sujet oblige à repenser le cadre général de l’investissement immobilier en France et l’accès à la location.

Aujourd’hui, que vous soyez propriétaire ou locataire, vous êtes en déséquilibre dans les deux cas. La hausse des taux d’intérêt et la faiblesse des taux de rendement ne vont pas nous faciliter les choses. Tout ne se réglera pas par des réductions d’impôt ou de la réglementation supplémentaire. Il va falloir être imaginatif.

Sur le respect des mentions obligatoires dans les annonces de location, pourquoi avez-vous fait connaître des réserves sur les résultats de l’étude de l’association CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) parue en octobre 2022 ?

On ne sous-estime pas le sujet mais nous avons quelques réserves sur les résultats de cette enquête. Il n’est pas sûr que l’échantillon soit homogène. L’étude compare les annonces regroupées sur la plateforme fnaim.fr, publiées par ses adhérents, agences axées sur la transaction et dont l’intermédiation locative n’est pas le cœur de métier avec celles de deux administrateurs de biens, dont l’administration de biens est le seul métier.

Plus généralement, il peut y avoir des manquements. Mais rien de grave. Ce ne sont pas des infractions. Le cadre réglementaire ne sous facilite pas la tâche. C’est un catalogue à la Prévert. La complexité et la surabondance de nouvelles normes peuvent empêcher consommateurs et professionnels de s’y retrouver. L’accompagnement par un professionnel demeure une assurance de sécurité et de respect de la loi dans le processus de mise en location d’un bien.

La Fnaim a toujours appelé à l’effort d’information et de formation auprès de ses adhérents.

La proposition de loi « visant à protéger les logements contre l’occupation illicite », portée par les députés Guillaume Kasbarian et Aurore Bergé (groupe Renaissance), a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 2 décembre 2022. Vous l’avez soutenue dans ses principes. Pourquoi ?

Il faut rendre l’investissement locatif plus attractif et cette proposition de loi entre dans ce cadre. Nous sommes pour un rééquilibrage des droits et devoirs entre locataires et propriétaires, ces derniers étant jusqu’ici fortement lésés et souvent seuls face à des situations parfois financièrement désastreuses. La loi de justice sociale de 1982 a créé des situations excessives.

Le député Guillaume Kasbarian est à l’écoute et on se réjouit de voir des parlementaires, à l’Assemblée nationale et au Sénat, déterminés à ouvrir le chantier des rapports entre locataires et propriétaires. Nous avions déjà fait d’autres tentatives dans le passé.

Il y a une prise de conscience car c’est un sujet de société. Le squat existe en France, c’est une réalité que nous constatons sur le terrain. Cette proposition de loi apporte une réassurance envers les propriétaires. Ce qui est en jeu, c’est de sécuriser les bailleurs qui sont souvent des petits propriétaires. Deux tiers des bailleurs louent un seul logement. On est loin de l’image que certains veulent véhiculer. Le parc privé locatif représente 7,6 millions de logements, largement porté par les particuliers, et nous en avons besoin.

Deux arrêts de la Cour d’appel de Paris du 18 novembre 2022 ont débouté la Fnaim et le SNPI de leurs demandes sur le coaching immobilier de PAP (Particulier à Particulier) mis en place en 2019 alors que la Fnaim et le SNPI ont attaqué PAP pour dénigrement, concurrence déloyale et exercice illicite de la profession d’agent immobilier. Comment vivez-vous la position de la Cour d’appel ?

Nous sommes un peu étonnés et surpris par la décision de la cour d’appel. Nous avons un délai de deux mois pour faire appel et aurons à prendre cette décision au sein de la Fnaim. C’est dans notre calendrier. On ne peut pas laisser démanteler notre profession sur un sujet aussi grave.

À l’heure où démarre l’action « logement » du conseil national de la refondation (CNR), faut-il dans le logement parler d’une crise de l’offre ou d’une crise de la demande ?

Notons d’abord que le choc d’offres des 500 000 logements neufs par an n’a jamais été atteint. Il y a un problème de renouvellement du parc dans notre pays depuis des années.

Concernant la demande, nous devons faire face à un phénomène excédentaire dans un contexte démographique dynamique. En 2022, nous sommes sur un volume de 1,1 million de transactions après un record absolu en 2021 marqué par 1,177 million de ventes de logements. En 2023, personne ne peut sérieusement faire de prédictions. Les taux des crédits immobiliers sont en hausse dans le sillage d’une inflation toujours très forte.

Le choc économique et de conjoncture fait qu’il sera difficile d’enrayer une trajectoire descendante. Il faut se souvenir que nous sommes tombés à 580 000 transactions en 2008. Aujourd’hui, il faut soutenir la construction neuve sans tergiverser.

La dotation budgétaire existe, de 2,5 à 3 Md€ par an en cumulant tous les dispositifs. Il faut en flécher une grande partie vers les primo-accédants. Dans certaines grandes villes, la capacité d’achat est à un niveau bas comparé à l’historique et semble avoir atteint ses limites.