Marseille : « Produire entre 350 et 400 000 m² de bureaux d’ici 15 ans » (S. Ghio, Euroméditerranée)
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Dans une interview accordée, le 15 juin 2022, à notre partenaire News Tank Cities, Stéphane Ghio, directeur du développement économique de l’Etablissement public foncier et d’aménagement Euroméditerranée fait le point sur l’évolution de l’immobilier tertiaire sur le périmètre Euroméditerranée.
Comment caractériser l’évolution de l’immobilier tertiaire sur le périmètre Euroméditerranée ?
Entre 2020 et 2021, la demande placée a progressé sur la métropole Aix-Marseille-Provence à l’inverse des autres métropoles qui, en période de crise sanitaire, ont eu tendance à s’écrouler, de l’ordre de -45 % sur l’ensemble des métropoles européennes. Nous avons connu une croissance de 7 % mais c’est un effet de rattrapage.
Par comparaison, la métropole lyonnaise est à 400 000 m² de demande placée, en repli de 350 000 m², Lille tangente les 300 000 m². Nous sommes en retard avec 165 000 m² de demandes placées, malgré une année exceptionnelle en 2021.
Il est important de nous resituer dans cet ensemble national et de mesurer le travail qu’il reste à faire. Le 1er trimestre 2022 est très bon, en hausse de 20 à 30 %, l’objectif de la métropole étant d’atteindre rapidement 200 000 m² dans les trois à cinq ans. À l’échelle d’Euroméditerranée, nous englobons 40 000 des 165 000 m².
Les entreprises recherchent une offre prime au cœur d’un quartier connecté sur le plan des dessertes, multifonctionnel, endroit où l’on peut y vivre, se divertir, se former et se faire soigner. La caractéristique d’Euroméditerranée est de répondre à ces critères. Notre talon d’Achille est le déficit d’écoles d’ingénieurs. Mais on en attire de plus en plus. 5 ou 6 vont s’installer à l’immeuble Adriana en construction à la Porte d’Aix.
On a une demande moyenne de 10 000 m² chaque année d’écoles de formation. Ce qui impose de créer des établissements ERP et d’anticiper la demande dont le coût supplémentaire est de 20 à 25 % par rapport à un bâtiment de bureaux plus classique. Sur la Joliette, quartier central d’affaires d’Euroméditerranée, on compte 650 000 m² de bureaux, 5 000 entreprises et 45 000 emplois dont 38 000 emplois privés et 7 000 publics. La part de l’emploi privé dans le périmètre d’Euroméditerranée est en constante augmentation, de l’ordre de 8 % sur ces dernières années, contre 1,2 % pour l’emploi public.
Quel est le taux de vacance des bureaux ?
Le bon taux de vacance dans les métropoles de référence est de 7 à 8 %. Nous sommes à 3 %. Nous sommes donc un marché en sous-offre, ce qui veut dire quelque part que l’on perd des affaires et des clients. C’est paradoxal puisque ça veut dire que nous sommes performants. Mais cela risque de créer un phénomène de bulle.
Euroméditerranée 2 prévoit la construction de 400 000 à 450 000 m² de bureaux supplémentaires à horizon 2035. Ce qui nous oblige à sortir entre 20 000 et 30 000 m² supplémentaires chaque année. Mais ça, c’était avant le Covid et le télétravail. Il y a des entreprises qui en profitent pour réduire la taille de leurs bureaux. Certaines considèrent qu’il faut réorganiser l’occupation des bureaux en conservant le même nombre de m2. Il y a plus de bureaux flex mais la présence physique au bureau reste vitale pour les entreprises.
Les nouveaux modes de travail après la Covid auront-ils un impact ?
On a fait tourner nombre d’outils et modèles pour se projeter dans l’avenir. Selon certains critères et une batterie d’hypothèses, comme le fait que les métropoles régionales attirent de plus en plus d’activités jusqu’ici concentrées sur Paris et sa région. On est en retard par rapport à Bordeaux, Nantes et Lyon. Si vous couplez ce double phénomène d’un amoindrissement des besoins de m2 adossé à la déconcentration de ces fonctions centrales (80 % des sièges sociaux nationaux et internationaux en France sont en Ile-de-France), la demande placée va diminuer de 10 à 12 % selon nos prévisions sur les 15 ans à venir. Mais nous aurons à produire tout de même entre 350 000 et 400 000 m².
À l’association des directeurs immobiliers, j’ai échangé avec le grand patron d’un énergéticien français. Cette grande entreprise compte 60 % de ses salariés à Paris et l’Ile-de-France et 40 % en province… La stratégie du groupe à 5 ans est d’inverser la tendance. Beaucoup de gens souhaitent quitter Paris, beaucoup de Parisiens s’installent à Marseille.
Nos modèles disent en hypothèse centrale que la demande placée va diminuerer de 10 à 12 % sur les 15 ans à venir, soit nous concernant, environ 40 000 m². On devra tout de même produire entre 350 000 et 400 000 m² pour tenir la demande en prenant en compte ce double phénomène.
Comment ces projets vont-ils transformer l’avenir d’Euroméditerranée ?
La 1ère mission d’Euroméditerranée 1 était de fournir une offre de bureaux corporate. De faire un Part-Dieu lyonnais à Marseille. L’extension prévoit de renforcer le tertiaire et de diversifier aussi notre offre avec l’économie sociale et solidaire, l’économie circulaire, l’économie productive dans la ville.
Nous travaillons avec des brokers classiques, des commercialisateurs, capables de nous dire les besoins de demain en matière d’économie productive de proximité. On a un sujet de coût avec 220 à 230 € le m² sur de l’offre prime, les acteurs de l’ESS ne peuvent aller au-delà de 130 € le m².