Performance énergétique : le « DPE Gate » n’est pas de bon augure (Jean-Christophe Protais, Sidiane)
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Depuis quelques semaines, la presse se déchaîne contre le nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE). Dans ce contexte, « il me semble important de clarifier certaines choses. Pour être clair, dissocions bien le fond de la forme », écrit Jean-Christophe Protais, président de Sidiane (syndicat interprofessionnel du diagnostic immobilier, de l’analyse et de la numérisation de l’existant), dans une tribune sur LinkedIn, publié le 22 avril 2022.
Depuis quelques semaines, la presse se déchaîne contre le nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE) rendu opposable le 1er juillet 2021. La presse grand public a pris le relais de la presse professionnelle spécialisée. Et cela a gagné le terrain politique : une question a été posée à Emmanuelle Wargon à l’Assemblée nationale sur ce sujet. Dans ce contexte, il me semble important de clarifier certaines choses. Pour être clair, dissocions bien le fond de la forme.
Sur le fond
La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat et résilience », prévoit la mise en place d’un nouveau DPE qui intègre dans ses nouveaux critères de classification, en plus de la consommation en énergétique primaire, l’émission de gaz à effet de serre.
Auparavant disparate, la méthode de calcul est désormais unique en même temps que le DPE est devenu opposable. Pour les logements en mono-propriété (maisons et immeubles), ceux dont le DPE est mauvais et donnant lieu à l’attribution d’une étiquette énergétique F ou G, ils sont considérés comme des « passoires énergétiques ».
À ce titre, à compter du 1er septembre 2022, pour tout projet de mise en vente de ce type de bien, avant toute visite par un potentiel acquéreur, le propriétaire aura dû obligatoirement faire réaliser un audit énergétique par un diagnostiqueur immobilier.
De surcroît, cette loi intègre un calendrier qui rendra impossible la location de logements en fonction de leur étiquette énergétique issue du nouveau DPE. La première étape de ce calendrier est prévue le 1er janvier 2023 pour les logements consommant plus de 450kW/an en énergie finale.
La loi dispose aussi la création d’accompagnateurs dédiés à la rénovation énergétique ainsi que certaines facilités de financement pour les ménages à revenus les plus fragiles. Il est prévu que la loi de Finance intègre des dispositifs adaptés.
Au final, cette loi est contraignante pour certains propriétaires, en particulier ceux qui voient les étiquettes énergétiques de leur bien dégradée du fait du critère gaz à effet de serre. Mais n’est-ce pas un mal nécessaire au regard du défi climatique qui est déjà là et que nous devons relever collectivement au plus vite ?
Sur la forme
Malgré un premier décalage de 6 mois de lancement du nouveau DPE, son déploiement a été calamiteux. L’administration, sous la pression du législateur et de l’exécutif, a proposé une première version inachevée. Avec pour conséquence sa suspension brutale au bout de 3 mois seulement. Cette pause de 8 semaines a permis de corriger largement le dispositif. Mais elle a ensuite obligé les diagnostiqueurs à procéder à la réitération et à la réédition de 220 000 DPE.
Aujourd’hui encore, les logiciels de calcul du DPE ne sont pas encore tout à fait fiables et validés : des éléments de calcul sont encore modifiés régulièrement. D’après les estimations de Sidiane, fondées sur les résultats de dizaines de milliers de DPE réalisés par nos membres fondateurs depuis le &er novembre 2021, les biens étiquetés en F et G sont très sensiblement plus nombreux que ce qui était initialement prévu par le ministère de la Transition écologique et le ministère délégué au Logement.
L’estimation du Gouvernement de février 2021 indiquait que 4,8 millions de logements seraient classés en F et G avec le nouveau DPE. Cette estimation sera, d’après nous, très largement dépassée si l’on extrapole sur la base de nos résultats constatés.
In fine, manque de préparation, sortie précipitée et hâtive, retour en arrière n’ont fait que jeter le discrédit sur ce nouveau DPE, tant chez les propriétaires que chez les professionnels de l’immobilier. Au point de voir poindre de jour en jour un « DPE gate »… ce qui n’est pas de bon augure.
Faut-il remettre en cause le nouveau DPE ?
Comme tous les membres de Sidiane, nous le pensons pas. Comme président, je ne le pense pas. Au contraire. Les membres de Sidiane soutiennent, depuis sa promulgation, la loi Climat et résilience. Et à ce titre sont des défenseurs résolus de l’esprit de cette loi, de ses ambitions et donc de son principal levier : le nouveau DPE.
Nous, professionnels du diagnostic immobilier et tous nos partenaires, nous mettons toute notre énergie à finaliser une dernière version d’un DPE fiable et efficace au côté de l’ensemble des acteurs concernés, l’administration au premier chef. Nous n’en sommes pas loin.
Tirons néanmoins des enseignements du lancement du nouveau DPE. Il le faut pour que nous réussissions tous ensemble la mise en place en cours de l'audit énergétique. Sans quoi les mêmes causes produiront les mêmes effets. Le principal facteur clé de succès consiste en la mise en place d’un planning réaliste, quitte à perdre quelques mois. Pour mieux les récupérer ensuite… Sidiane et moi-même nous sommes déjà exprimés à ce sujet.
Quoi qu’il en soit, il faut être conscient de l’impact économique et social de l’interdiction à la location des logements F et G d’ici à 2028. Leur nombre est estimé aujourd’hui à plus de 5 millions. Avons-nous anticipé toutes les conséquences sur les marchés immobiliers et sur les défis du logement pour tous qui sont déjà des sujets épineux et légitimement sensibles ?