« Une période de défis pour l’ensemble du secteur », (Béatrice Lièvre-Théry, Sogeprom)
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Dans une interview à notre partenaire News Tank Cities, Béatrice Lièvre-Théry, directrice générale du promoteur immobilier Sogeprom, dresse un bilan du secteur de la promotion immobilière française. Et dévoile les grandes lignes de la stratégie de développement de son groupe. « Lorsque la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) tire la sonnette d’alarme sur la disparition potentielle de certains futurs promoteurs, c’est une réalité incontestable », déplore-t-elle.
Quel bilan faites-vous de l’année 2023 particulièrement difficile pour le secteur de la promotion immobilière ?
L’année écoulée a constitué une période de défis pour l’ensemble du secteur, et notre entreprise n’a pas fait exception. Côté Sogeprom, nous pouvons être satisfaits d’avoir réalisé la vente de nos importantes opérations tertiaires en juin 2022.
Cette année, la réalisation de ces opérations aurait été ardue compte-tenu des taux de rendement actuels. En ce qui concerne le logement, nos résultats de commercialisation sont naturellement en baisse. Nous nous sommes focalisés vers les ventes en bloc, particulièrement en LLI. Les rachats de projets par la Caisse des Dépôts et Action Logement ont été dans ce contexte bienvenus.
La fin du dispositif Pinel et les incitations financières des promoteurs n’ont pas suffi à stimuler l’activité au sortir de l’été
Malgré une stabilisation des taux en septembre 2023 et des signaux positifs des banques indiquant leur volonté de relancer la production de crédits immobiliers, le marché n’a pas montré de signes de reprise à la rentrée de septembre.
La fin du dispositif Pinel et les incitations financières des promoteurs n’ont pas suffi à stimuler l’activité au sortir de l’été. Nous nous retrouvons donc dans une situation paradoxale où, malgré une demande croissante de logements, l’industrie semble s’immobiliser en attendant des perspectives plus claires.
Une lueur d’espoir réside dans la récente baisse des taux des Obligations Assimilables du Trésor (OAT), qui pourrait potentiellement entraîner une baisse des taux des crédits immobiliers, ravivant ainsi l’intérêt des clients.
Quelles innovations avez-vous mises en œuvre pour faire face à la crise ?
Nous nous sommes intéressés tant au BRS (bail réel solidaire) qu’aux résidences gérées, répondant ainsi à un besoin sociétal pressant. Sur ce dernier, notre approche consiste à explorer divers formats de résidences étudiantes, allant au-delà du modèle traditionnel qui requiert un exploitant au sens classique.
Nous envisageons des formats qui exigent plutôt un gestionnaire d’immeubles, présentant ainsi une alternative plus légère financièrement pour les propriétaires. Nous considérons également des schémas administratifs plus flexibles, permettant de profiter des avantages du statut LMNP.
Nous avons porté une attention particulière aux politiques de réindustrialisation de certains territoires
Nous avons porté une attention particulière aux politiques de réindustrialisation de certains territoires, pour proposer des résidences gérées dans les territoires qui en ont besoin.
La perspective d’associer la politique industrielle à celle du logement émerge enfin, et de plus en plus dans les débats, soulignant l’importance de diversifier les types de logements en fonction des besoins spécifiques de chaque ville.
Cependant, il est souvent difficile de déterminer précisément où ces besoins se situent et quelles typologies de logements sont nécessaires.
Enfin, nous avons proposé du LLI, qui est parfois mal compris et associé à tort au logement social. Nous avons consacré beaucoup d’efforts cette année pour clarifier ces perceptions et adapter nos initiatives en conséquence.
Avez-vous dû revoir vos exigences environnementales pour finaliser certains projets, à l’instar de certains autres promoteurs ?
La stratégie de Sogeprom vise résolument à être un promoteur responsable, positionné en amont sur les questions environnementales. À cet égard, nous maintenons notre engagement de déposer 100 % des permis de construire conformes à la RE 2025.
Aujourd’hui, les acteurs tels que CDC Habitat et Action Logement privilégient, sur les acquisitions qu’ils effectuent, des biens répondant scrupuleusement aux normes en vigueur et sont prêts à reconnaître financièrement cet engagement.
La stratégie de Sogeprom vise résolument à être un promoteur responsable
Pour les acquéreurs potentiels, investir dans du neuf présente un avantage considérable, notamment en ce qui concerne la RE 2025, garantissant un logement DPE A. En effet, posséder un appartement conforme aux normes environnementales les plus strictes est non seulement satisfaisant sur le plan personnel, mais comporte également des avantages financiers substantiels en termes de réduction des charges.
Dans l’ensemble, cette approche représente un véritable atout pour le secteur immobilier. Il serait inopportun de revenir actuellement sur les exigences environnementales que nous nous sommes fixées. C’est une tendance à laquelle il est essentiel de rester fidèle, d’autant plus que cela répond aux attentes du marché et contribue positivement à l’avenir du logement.
La régénération urbaine apparaît comme une composante cruciale pour l’efficacité de la profession en 2024. Quelles initiatives avez-vous prises pour exceller dans ce domaine ?
Le 13 décembre 2023, lors du Salon de l’Immobilier d’Entreprise (Simi), nous avons officiellement lancé une nouvelle offre dénommée SO-GENERE, axée sur la restructuration et la revalorisation. Cette initiative vise à être à l’écoute des évolutions sociétales tout en préservant et en mettant en valeur le patrimoine architectural existant.
Grâce à SO-GENERE, les actifs immobiliers obsolètes sont réinventés pour s’adapter aux nouveaux usages, intégrer les dernières avancées technologiques, et répondre aux enjeux de sobriété et de durabilité des villes.
L’urgence de s’intéresser à ces problématiques découle en premier lieu de la trajectoire imposée par le ZAN(Zéro Artificialisation Nette), mais également du fait que détruire des immeubles existants n’est pas idéal du point de vue environnemental. Il nous faut chercher des alternatives plus durables. Cette démarche revêt une importance cruciale pour nous, car elle est destinée à constituer une part significative (30 à 50 %) de notre production dans les années à venir.
Travailler sur des projets de régénération urbaine n’est pas comparable à travailler sur des terrains plus classiques, tel qu’on le faisait avant sur des terrains agricoles par exemple. Cela nécessite une approche différente, d’où notre partenariat avec l’architecte Céline Bouvier, associée chez LBBA-Architecture, pour aborder ces questions de manière innovante.
L’objectif de SO-GENERE est de définir une méthodologie d’approche de ces projets, impliquant une phase de démarrage plus longue, mais probablement moins de complexités par la suite, notamment lors de la construction. La régénération urbaine est un processus qui demande du temps et une réflexion approfondie, mais c’est un défi que nous sommes prêts à relever pour contribuer à un développement urbain plus durable.
Êtes-vous confrontés à une pénurie de main-d’œuvre spécialisée dans la rénovation, à l’instar de certains acteurs du secteur ?
Ces cinq dernières années, la compétition pour attirer les meilleurs talents dans le secteur de la promotion immobilière a été intense. Le recrutement de collaborateurs s’est révélé extrêmement difficile, avec une concurrence féroce entre les acteurs du marché.
La France souffre d’une pénurie d’ingénieurs. Au-delà de la question de la formation, un changement d’état d’esprit est nécessaire. Une nouvelle approche de notre métier, que ce soit en matière de conception ou de structuration d’actifs, avec une nouvelle manière de travailler est nécessaire.
Contrairement au foncier, les coûts de construction semblent difficiles à maîtriser. Comment expliquez-vous cette situation ?
Il est indéniable qu’actuellement, dans plusieurs régions, même en acquérant des terrains à des prix très avantageux, la réalité est que nous avons du mal à développer des projets tertiaires et résidentiels à des prix compatibles avec la valeur du foncier.
Dans le secteur tertiaire, notamment dans certaines métropoles, les loyers sont relativement bas, et lorsqu’on les rapporte à un taux de rendement exigé par les investisseurs, qui est passé de 5 à 7 %, l’équilibre financier est difficile à atteindre.
La profession doit réinternaliser certaines fonctions, comme la commercialisation et l’assistance à maîtrise d’ouvrage
La situation est similaire dans le domaine du logement, où les acquéreurs voient leur pouvoir d’achat diminuer, les rendant réticents à déménager par crainte de ne pas retrouver des conditions similaires ailleurs. Inévitablement, il devra y avoir une réduction des prix à un moment donné.
Je suis convaincu que cela ne peut pas uniquement passer par la réduction des coûts fonciers. Nous pouvons par exemple optimiser notre manière de travailler en limitant l’accumulation des coûts résultant de la participation de nombreuses parties prenantes.
La profession doit réinternaliser certaines fonctions, comme la commercialisation et l’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO), pour renforcer notre contrôle sur l’ensemble du processus.
La FFB et la FPI annoncent un nombre important de disparitions d’acteurs pour 2024. Pensez-vous que la faillite de certains promoteurs pourrait contribuer à éliminer certains acteurs au positionnement trop agressif sur le marché ?
Il est évident que la crise agit comme un mécanisme de régulation du marché. Le domaine de la promotion immobilière demeure relativement peu concentré.
En 2022, lors de notre participation à l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour le référencement des promoteurs, auquel nous avons décroché la première place, nous avons rivalisé avec 173 promoteurs participants, ce qui est énorme.
Lorsque la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) tire la sonnette d’alarme sur la disparition potentielle de certains futurs promoteurs, c’est une réalité incontestable.