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Covid-19 : « Le redémarrage sera sans doute très progressif » (R. Tripard, IAD)

Par Christian Capitaine | Le | Réseau de mandataires

Portés, depuis des mois, par une activité très dynamique, IAD et ses 10 000 mandataires ont subi, comme tous les acteurs du marché, un net repli du volume de leurs transactions dès l’instauration du confinement. A quelle échéance peut-on espérer un retour des affaires ? Et sur quel rythme ? « C’est très difficile à dire, estime Roland Tripard, président du réseau, car nous faisons face à de nombreuses inconnues » Une certitude : Il faudra être patients et soudés.

Laurent Tripard, président de IAD - © D.R.
Laurent Tripard, président de IAD - © D.R.

Pour ces dernières semaines, quel bilan dressez-vous du niveau de vos transactions ?

Sans surprise, nous avons observé deux temps très différents : un avant et un après 15 mars 2020. Avant cette date, nous étions, chez IAD, sur un marché extrêmement dynamique : le rythme de croissance de nos volumes de transactions affichait, sur les quinze premiers jours de mars, +40 %, alors que le marché était stable. Autre indication : nous étions, depuis le début de l’année, sur un rythme de 4 000 compromis par mois. Puis sont arrivées la crise du coronavirus et la période de confinement. Dès lors, le marché s’est très brutalement contracté, y compris chez nous.

Depuis le 16 mars, nous sommes sur un atterrissage très brutal, avec un volume d’activité qui a chuté de près de 80 % par rapport à la première quinzaine de mars. Nous sommes passés, en un instant très court, d’une phase de croissance forte et rapide, à un coup d’arrêt que nous n’avions jamais connu.

Vous réussissez tout de même, dans ce contexte, à conclure des transactions. Comment s’y prennent vos mandataires ?

Oui, des transactions sont conclues, mais de nombreux points de blocage sont apparus et demeurent. Tout l’enjeu consiste à savoir comment les contourner. Les estimations des biens, les visites des futurs acquéreurs, le travail des diagnostiqueurs, les rendez-vous chez le banquier, la signature du compromis et des actes chez le notaire, l’organisation du déménagement : toutes ces étapes qui construisent la transaction, et qui nécessitent de l’interaction sociale, sont impossibles à organiser.

Cependant, deux facteurs permettent au marché de s’appuyer sur un petit volant d’activité. D’abord, la conclusion de certaines affaires, dont le travail avait déjà été mené en amont (et souvent en hyper-proximité), puis quelques-unes réalisées grâce aux outils dématérialisés.

La publication, le 3 avril, du décret permettant de signer les actes par voie dématérialisée va-t-elle donner de l’oxygène au marché ?

C’est trop tôt pour le dire, même si, sur la journée du jeudi 9 avril, nous avons enregistré une très légère remontée en nombre de signatures d’actes. Mais c’était la première journée, elle pourrait demeurer un épiphénomène. Nous sommes rentrés dans la crise, chez IAD, avec plus de 10 000 compromis signés en France. Et on espère fortement que cette décision va redonner un peu de fluidité au marché ; non pas pour le nouveau business, mais pour les transactions dont les avant-contrats avaient déjà été signés avant le démarrage du confinement.

Les notaires, semble-t-il, on besoin d’un temps d’adaptation pour débloquer la situation, notamment pour mettre en place leurs systèmes d’informations. Deux notaires viennent de me le confier : ces adaptations devraient nous permettre de retrouver de la fluidité à compter de la semaine du 13 avril.

Comment se porte le moral de vos mandataires ?

Dès le début de la crise, je les ai trouvés extraordinaires de solidarité, d’unité et de partage, pour se protéger, se donner de bons conseils. Deux jours après le début du confinement, plusieurs conseillers ont créé un groupe privé Facebook qu’ils ont baptisé « IAD se forme ». Le but : que les plus expérimentés, via des capsules vidéos, offrent des contenus de formations à ceux qui en ont le plus besoin, dans des domaines tels que le juridique ou le commercial. Au bout de trois jours, ce groupe comptait plus de 7 000 inscrits ! Au siège, également, nous les accompagnons.

Dès le 17 mars, nous avons mis en place deux rendez-vous quotidiens : un premier le matin sous format vidéo baptisé « Good Morning IAD ». Son objet : mobiliser les troupes, en partageant nos informations, notamment concernant les ordonnances et leurs contenus. Puis nous comptons un deuxième rendez-vous quotidien, à 14h30 : « Le IAD business meeting ». Il s’agit d’un format de 45 à 60 minutes durant lequel nous traitons un sujet de fond sur le plan de la formation, via une capsule vidéo.

Concernant les dispositifs d’aide de l’État en faveur des indépendants, vos mandataires ont-ils activé leurs droits ?

Nous passons beaucoup de temps, à la tête du réseau, pour les informer sur les dispositifs à l’œuvre. Sur ce point, notre mission est double : d’abord, suivre de près l’information et la partager avec eux ; puis dialoguer, aux côtés de l’Unis, avec les pouvoirs publics pour que leurs décisions collent au plus près des intérêts de nos conseillers, et les protègent, ainsi que leur trésorerie.

Je prends un exemple : nous avons eu récemment un blocage au niveau de la période de référence, car sur nos 10 000 conseillers en France, 2 500 ont rejoint le réseau au cours des douze derniers mois. Il a donc fallu, avec les pouvoirs publics, définir cette période de comparaison pour que ceux qui ont, chez nous, moins d’un an d’ancienneté puisse bénéficier des aides financières.

Vis-à-vis des portails d’annonces : quelle est votre politique de diffusion ? Faites-vous une pause au niveau des publications ?

Nos conseillers n’ont jamais eu autant besoin d’être présents devant les clients. Pour, d’une part, leur montrer les biens qu’ils ont en portefeuille, et d’autre part pour répondre aux questions de ceux qui, demain, seront susceptibles de vendre. Conclusion : pour être visibles, et surtout son portefeuille de biens, il faut continuer à diffuser sur tous les portails. Donc, pas de pause.

Le trafic sur les portails a certes baissé, surtout en début de confinement, et reste toujours bien inférieur à celui d’une période normale. Mais cela représente tout de même des millions de Français. On note aussi moins de demandes de contacts, mais ce n’est pas grave. Lorsque l’on sera sorti de ce confinement, les porteurs de projets les réactiveront.

Vos clôturez votre prochain exercice annuel fin juin 2020. Quelles sont vos prévisions ?

Je n’ai pas envie de me prêter au jeu des pronostics. Le temps de la crise que nous vivons impose, au niveau de la posture, de l’humilité. Fanfaronner, dans ce contexte, serait indécent. Ce qui est sûr, c’est que la baisse de 80 % de notre activité depuis le début du confinement va peser lourd dans nos chiffres. De plus, il est impossible de faire des estimations puisque l’on a aucune idée de la durée du confinement.

Cette crise peut-elle remettre en cause vos objectifs de recrutement de conseillers ?

Nous serons contraints de nous adapter à la réalité du marché. Donc, nous verrons la situation une fois la crise passée. Notre modèle est né dans la crise de 2008. Et reste marqué par cette période. Les questions que l’on doit se poser sont celles-ci : comment s’y prendre pour avoir le moins de coûts fixes possibles, le plus de flexibilité possible et le plus de proximité et de liens possible avec nos conseillers. Nous ne sommes pas encore dans le temps du rebond. Il est malvenue de parler d’objectifs.

Craignez-vous de la casse parmi vos mandataires ? Certains ont nécessairement les reins moins solides que d’autres…

On en compte, c’est vrai, beaucoup de fragiles. Notamment parmi les 2 500 qui nous ont rejoints ces douze derniers mois. Parmi ceux-ci, ils sont en nombre à n’avoir pas réussi à se constituer un matelas de trésorerie. Donc, vis-à-vis d’eux, au siège, nous mettons tout en œuvre pour les accompagner, non seulement pendant cette crise mais également durant les trois ou quatre mois qui suivront. 

Concrètement, comment les accompagnez-vous depuis le siège ?

En les aidant sur l’accès aux aides mises en place par le gouvernement. Et en orientant aux maximum ces aides de façon utiles. Puis, en avril, nous allégeons leurs charges fixes en leur offrant leur abonnement. Et lorsque le temps du rebond sera venu, nous les accompagnerons avec des mesures ciblées, en particulier envers les plus fragiles, pour qu’ils puissent reconstruire leur trésorerie. Ce temps n’est pas encore venu, il est trop tôt pour détailler les mesures que nous prendrons.

Comment le marché va évoluer en sortie de crise, au niveau des prix et des volumes de transactions ?

C’est très difficile à dire, car nous faisons face à de nombreuses inconnues. Dire que les prix vont baisser, comme certains l’affirment, de 5 % ou 10 % n’est pas raisonnable. Quelle sera la vitesse du déconfinement ? Et avec quel niveau de fluidité ? Quelles mesures sanitaires seront prises et, notamment, au niveau de la distanciation physique entre les personnes ? Quels seront les taux d’intérêt ? Nous n’avons la réponse à aucune de ces questions… Même si je suis naturellement optimiste, le marché sera sans doute assez difficile, surtout au redémarrage. Et celui-ci sera sans doute très progressif.