La géolocalisation : tendance de fond ou coup d’épée dans l’eau ?
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Entre la nouvelle fonctionnalité de SeLoger et l’arrivée fracassante du portail Bien’Ici, la géolocalisation n’a cessé de faire parler d’elle ces derniers mois. Avec un peu de recul, qu’en est-il vraiment dans la profession ? La parole à 3 acteurs du marché, qui avaient jusque-là été plutôt discrets sur la question
Un sujet qui divise
Quand on lui parle du phénomène, Laurent Radix, le patron du site ParuVendu, ne mâche pas ses mots : « La géolocalisation est quasiment la plus grande escroquerie du siècle : je ne vois pas ce que cela apporte aux agents en termes de leads supplémentaires » argumente-t-il. A l’inverse, le PDG des réseaux Solvimo et Avis, Olivier Alonso,se dit « convaincu que la géolocalisation est l’avenir de l’immobilier ». Un avis que partage le DG du portail AVendreALouer, Stéphane Anfosso : « Ce n’est ni un buzz ni un épiphénomène marketing. L’acquéreur veut savoir où se trouve le bien qu’il veut acheter, avant d’aller le visiter. Pour lui, c’est une évidence totale. » Quant aux agents, « ils ne sont pas chauffeurs de taxis ; ils ne veulent pas faire des visites pour rien » ajoute Olivier Alonso. En somme, quand certains pensent que localiser un mandat incite des prospects chauds et pré-qualifiés à décrocher leur téléphone, d’autres estiment au contraire que cette pratique est préjudiciable pour l’agent. « C’est contre-productif : les acquéreurs ne vont plus appeler l’agence pour des biens qui ne sont pas situés exactement dans leur zone de recherche. On coupe des opportunités de business » juge Laurent Radix.
Une pratique réservée aux exclusivités ?
En réalité, la pomme de la discorde ne concerne pas tant la géolocalisation en soi - car tous les portails, ou presque, ont développé une approche cartographique a minima depuis plusieurs années - mais le niveau de précision apporté aux internautes. Faut-il ou non permettre à l’internaute (et aux agents concurrents) de visualiser l’emplacement précis du bien ? « Nous pensons qu’il faut libérer l’adresse pour l’ensemble des mandats - et pas seulement les exclusivités et les locations. Ce n’est pas parce qu’un agent immobilier masque l’adresse d’un bien qu’il aura moins de concurrence. Dans notre monde hyperconnecté, ce combat est perdu d’avance. A notre avis, la bataille se joue sur d’autres terrains, comme le niveau de services ou l’accompagnement du client » estime AVendreALouer. Des arguments qui ont encore du mal à être entendus sur le terrain. « Un agent ne géolocalisera pas un bien s’il n’a pas la certitude d’être le seul sur le coup. L’adresse exacte reste une question stratégique pour les agents - et anxiogène pour les vendeurs, qui ont spontanément peur des cambriolages » assure Solvimo
Les facteurs clés de succès de la géolocalisation sont-ils réunis à ce jour ?
« Pour que la géolocalisation soit pertinente, il faut que les biens soient correctement localisés, sans quoi l’expérience utilisateur devient vite déceptive. Or, dans les différentes initiatives existantes (que nous saluons), trop peu de biens sont localisés précisément » observe Stéphane Anfosso. Force est en effet de constater que - faute de convaincre les agents de saisir l’adresse de leurs mandats - les premiers sites qui se sont jetés à l’eau ont trouvé la parade en procédant à des regroupements de biens autour d’un même point-relais déposé sur une carte de manière relativement aléatoire. Une manière de géolocaliser sans géolocaliser ? Pour Laurent Radix, « la cartographie ne peut concerner que les exclusivités - soit 15 à 20 % des biens grand maximum en France - et uniquement celles situées dans les grandes villes. C’est un volume ridicule. Or, la géolocalisation n’a de sens pour l’utilisateur que si tous les biens disponibles sont concernés ».
Pédagogie, évangélisation, dédramatisation
En attendant que la réflexion murisse au sein de la profession (ou que le taux d’exclusivités progresse), tout l’enjeu consiste donc à trouver un compromis pour satisfaire l’internaute avec des informations à forte valeur ajoutée, tout en respectant les contraintes des agents. AVendreALouer travaille par exemple sur une approche cartographique qui tient compte du profil de l’internaute, pour lui délivrer une information locale pertinente. Autrement dit, connaître le taux de réussite au bac dans le lycée voisin ou savoir qu’il y a une crèche à proximité du bien visé intéressera les familles - pas forcément les célibataires. « On veut être le plus précis possible en restant dans un niveau acceptable pour la profession » résume Stéphane Anfosso. Et de conclure : « La carte, c’est le monde de l’exploration, de la découverte d’un lieu de vie. C’est une recherche émotionnelle. A l’inverse, la page web est le monde des chiffres, des comparaisons de la recherche rationnelle. Mettre en place la géolocalisation implique de marier habilement ces deux approches »
Gaëlle Fillion