Fonds de commerce : comment évaluer le droit au bail ? par Jacques Lumbroso
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Les agents immobiliers laissent souvent le marché de la transaction de fonds de commerce aux mains de leurs confrères spécialisés, faute de savoir correctement les évaluer. Dans certains secteurs pourtant, la demande ne manque pas, en particulier pour des petits commerces de proximité. Gros plan sur les fondamentaux de cette pratique expertale, avec Jacques Lumbroso aux commandes
Chiffre d’affaires et bénéfice d’exploitation ont été longtemps privilégiés pour évaluer un fonds de commerce. Les usages laissent aujourd’hui la part belle à la capacité bénéficiaire du fonds constitué par l’Excédent Brut d’Exploitation (EBE). Les méthodes d’évaluation privilégiées s’articulent dorénavant autour des notions intrinsèques du fonds : la valeur du droit au bail d’une part, dans l’hypothèse de locaux loués et la valeur de l’exploitation d’autre part. Nous présenterons la première partie de la méthodologie cette semaine ; et la seconde dans notre prochain article.
Contexte
En France, le bail commercial réglemente les rapports entre bailleur et preneur. Il est soumis au décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 dont les dispositions sont placées dans le code de commerce, des articles L145-1 à L.145-60 et R.145-1 à R.145-33. Le statut des baux commerciaux se veut protecteur des intérêts du preneur et plafonne la valeur des loyers. Avec le temps, le loyer de certains commerces devient donc très inférieur à leur réelle valeur locative.
Une composante du fonds de commerce, qui appartient au locataire en place
Le preneur d’un bail commercial dispose du droit d’utiliser le commerce pris en location et de bénéficier d’un droit au renouvellement du bail. Le droit au bail a ainsi une valeur patrimoniale cessible. Un locataire entrant - le cessionnaire - acceptera de valoriser un droit au bail si les locaux disponibles sont rares ou si le loyer payé par le locataire sortant - le cédant - est particulièrement avantageux et plafonné. Concrètement, le locataire sortant peut céder son bail moyennant une somme d’argent à un locataire entrant, qui bénéficiera à son tour de l’avantage d’un faible loyer. La valorisation du droit au bail s’apprécie par la différence entre la valeur locative d’un local - c’est-à-dire le loyer moyen des nouveaux commerces qui se louent à proximité - et le loyer effectivement payé par le locataire. Cet écart s’actualise sur une durée de risque acceptable pour le cessionnaire, au cours de laquelle il bénéficiera de cette économie théorique de loyer.
Soit mathématiquement :
La durée du risque acceptable varie entre 3 à 20 ans, selon la commercialité du secteur. Plus le local est sûr du point de vue de son potentiel commercial, plus le cessionnaire se projettera sur une longue durée.
Cas d’école
Prenons l’exemple d’un commerce d’une surface utile pondérée de 70m2, dont le loyer annuel HT et hors charges payé par le cédant est de 15 000 euros. Sa valeur locative annuelle HT est de 600 € / m2/ an, soit 42000 euros par an. Le cessionnaire bénéficiera donc d’une économie annuelle de 27 000 euros
A noter que le taux d’actualisation est toujours de l’ordre de 6 %. Ce commerce étant situé dans une grande ville, en première commercialité, nous considèrerons que la durée du risque acceptable est de 9 ans*.
Et pour aller plus vite…
Une alternative très commune à ce calcul consiste à utiliser des coefficients de situation qui résument la formule d’actualisation.
Dans l’exemple énoncé, le coefficient de situation serait arrondi à 7. Suivant cette formule, le droit au bail serait ici égal à 189 000 euros. Soit une valeur légèrement moins précise que dans le calcul précédent, mais qui reste relativement proche.
*Retrouvez plus de détails sur le calcul d’une durée de risque acceptable dans le Vademecum de l’expertise immobilière de Jacques Lumbroso
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Prochain rendez-vous le 22er juin : Comment évaluer la valeur un fonds de commerce ?
Gaëlle Fillion