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Open data immobilière : menace ou opportunité pour la profession ?

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Le prix, la date et la nature de tous les biens vendus en France ces 5 dernières années sont désormais librement accessibles en ligne à n’importe quel internaute. Le 24 avril dernier, la direction générale des finances publiques a officiellement ouvert les vannes de sa base DVF, que les grands acteurs du web immobilier n’ont pas tardé à exploiter. Les agents immobiliers doivent-ils s’inquiéter 

Open data immobilière : menace ou opportunité pour la profession ? - © D.R.
Open data immobilière : menace ou opportunité pour la profession ? - © D.R.

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Toutes les valeurs foncières déclarées depuis 2014 lors des mutations immobilières sont désormais publiques : une mesure prévue par un décret signé en décembre dernier dans le cadre de la loi ESSOC. Jusque-là, les contribuables pouvaient déjà glaner quelques informations à titre personnel dans la base Patrim du site des impôts, sans pouvoir toutefois avoir une vue d’ensemble des prix de vente dans un quartier donné.  Pour les plus courageux, les fichiers bruts de cette base DVF (la grande sœur de Patrim) seront dorénavant téléchargeables sur le site cadrastre.data.gouv.fr. La mission Etalab, chargée de la politique open data du gouvernement a, en outre, développé une application permettant au grand public d’identifier un peu plus facilement des informations foncières clés sur la carte cadastrale : date et prix de vente du bien (hors honoraires), type de bien, nombre de pièces, surface habitable et superficie au sol, etc. 

Vers des estimations en ligne plus précises ?

Face à cet afflux gratuit de données publiques en or massif, les spécialistes de la data immobilière se sont empressés de développer leurs propres outils destinés aux vendeurs et acquéreurs lambda. Ainsi, SeLoger propose, depuis le 26 avril, un moteur de recherche de tous les biens vendus ces 5 dernières années, accolé à sa fonctionnalité d’estimation en ligne : un outil pour l’instant discret et plutôt basique, qui n’est pas encore lié à une cartographie. « Cette nouvelle data va aussi enrichir nos algorithmes. Mais il faut relativiser l’importance de ces données : les biens vendus ne sont qu’un critère parmi d’autres pour estimer le prix d’un bien. Il faut aussi être capable d’évaluer la tension de la demande sur un secteur et l’évolution des prix sur une région donnée. Au final, c’est l’expérience de l’agent immobilier et sa connaissance du secteur qui va faire la différence. Savoir qu’un appartement a été vendu 250 000 euros à Bordeaux en 2014 a peu de sens », indique Olivier Le Gallo, directeur marketing de SeLoger.

De son côté, Meilleurs Agents, qui a fait de la transparence des prix immobiliers son fonds de commerce depuis une décennie, vient de dégainer une nouvelle carte interactive, plus « user-friendly » que celle du gouvernement. Elle permet d’identifier, en un coup d’œil, le prix des transactions récentes dans un quartier donné, avec une mention claire et sans équivoque de l’adresse des biens concernés. Pour chacun d’entre eux, le site propose en outre une estimation du prix réactualisé, tenant compte des fluctuations du marché. Cette démarche d’open data « est une inflexion culturelle majeure dans notre pays. Je comprends les inquiétudes des agents immobiliers mais je veux les rassurer. La complexité des données de cette base DVF va faire prendre conscience aux Français qu’estimer un bien immobilier est véritablement un art », assure Sébastien de Lafond, CEO de Meilleurs Agents. 

Des craintes légitimes ?

Nouvelle étape de la mutation digitale du métier, cette transparence totale sur le prix des transactions va assurément faire évoluer les pratiques professionnelles des agents, qui devront composer avec des clients toujours plus informés. Le marché entre particuliers va-t-il en bénéficier ? « Même si un particulier peut avoir accès aux résultats de son test sanguin, il aura toujours besoin d’un médecin pour les interpréter », analyse François Gagnon, Président du réseau ERA. Pour lui non plus, cette nouvelle donne « à l’américaine » ne doit pas être perçue comme une menace, mais comme un atout. « Lorsqu’on enterre l’incertitude, on gagne en confiance et on fluidifie le marché. C’est une bonne nouvelle pour le vendeur, pour l’acquéreur, mais aussi pour l’agent immobilier qui va pouvoir s’appuyer sur des données objectives et incontestables pour rassurer ses clients », conclut-il.

Gaëlle Fillion