« Les frémissements d’une reprise du marché sont bien là » (Olivier Descamps, DG chez iad France)
Par Christian Capitaine | Le | Réseau de mandataires
Le 26 mars 2024, Immomatin a animé le premier webinaire porté par le réseau iad, auquel ont participé le courtier en crédit Cafpi et Colliers international, société spécialisée dans l’immobilier d’entreprise. Thème retenu pour ce rendez-vous : l’impact et les conséquences de la hausse des taux sur le marché immobilier. Morceaux choisis de cet événement avec ses trois participants : Olivier Descamps, directeur général d’iad France, Magali Marton, directrice communication, marketing, research & data chez Colliers International et Caroline Arnould, directrice général de CAFPI.
Comment dépeindre la crise qui a touché, ces derniers mois, le segment de l’immobilier d’entreprise et des investisseurs ?
Magali Marton, directrice communication, marketing, research & data chez Colliers International : « Il faut d’abord rappeler son point culminant, qui fut atteint en 2019. Cette année-là, sur la partie transactions entre investisseurs, nous avions atteint, en France, un chiffre d’affaires de 45 milliards d’euros. Puis 2020 a vu le marché basculer, avec les premiers effets de la crise immobilière qui se sont fait ressentir, marquée par une baisse des volumes sur les actifs dans l’immobilier de bureau. Cette contraction de la demande s’est exprimée par une baisse de 25 % sur l’année.
Deuxième marqueur plus redoutable encore dans cette crise, à partir de 2022, avec le sujet des taux obligataires : en un an, ils sont passés de 0 à 3,5 %. Dans la communauté des investisseurs, l’effet de sidération fut inédit.
Troisième marqueur de cette crise, sur les taux de financement : nous sommes passés d’une première séquence, avec beaucoup d’argent mis à disposition par les banques, à une seconde où les ressources financières se sont considérablement affaiblies.
Résultat, nous étions, il y a encore quelques semaines (car la situation s’améliore), face à une crise inédite du financement immobilier. Néanmoins, nous pouvons aujourd’hui être optimiste sur la normalisation des taux. Mais reste à savoir, tout de même, jusqu’à quel point les banques vont rouvrir le robinet du crédit. »
Pour revenir à la situation d’il y a quelques mois, avec une période faste pour l’immobilier, marquée par des taux d’emprunt au plus bas, quel en fut l’impact pour le réseau iad ?
Olivier Descamps, directeur général d’iad : « Ce fut une période euphorique. Entre 2020 et 2022, nous battions chaque année des records en termes de volume de transactions [à l’issue de son exercice clôturé le 30 juin 2022, le réseau iad avait affiché un chiffre d’affaires annuel record de plus 520 millions d’euros, pour détenir 6 % de part de marché en France, NDLR].
Cette période nous a notamment permis d’accélérer nos affaires sur les ventes dites de « confort » au détriment des ventes dites de « besoin ».
Puis les taux de crédit immobilier ont brusquement flambé. Pour quelles raisons ?
Caroline Arnould, directrice général de CAFPI : « Le point de départ a été la période Covid, qui a été marquée par une forte tension sur les approvisionnements et les matières premières, notamment avec les chaînes de production en Asie. Cela a eu pour principal effet de faire monter les prix.
Deuxième effet, plus lourd de conséquence encore : le déclenchement de la guerre en Ukraine, qui a entraîné de fortes tensions sur les coûts de l’énergie et des matières premières. Résultat : en octobre 2022, le niveau de l’inflation en France avait atteint son point culminant, à 10,6 %.
Pour faire face à cette situation, le seul remède contre l’inflation c’est la politique monétaire : la Banque centrale européenne a alors décidé d’augmenter ses taux, dans des proportions inédites, soit dix hausses réalisées en à peine un an et demi. Par conséquent, les taux d’emprunt immobilier ont suivi cette courbe, pour atteindre 4 % en octobre 2023. »
Quel a été l’impact de cette hausse sur l’activité de iad ?
Olivier Descamps : « Certes la hausse a été progressive. Mais elle s’est révélée néanmoins violente. Dans ce contexte, le marché de la transaction immobilière a lourdement chuté à l’échelle nationale, de 22 % en 2023.
Concernant iad, nous nous en sommes mieux tirés puisque, sur l’année, la baisse de nos volumes de transactions a été limitée à 13 %, ce qui nous a permis de consolider notre part de marché, qui a atteint 6,2 %, ce qui est un record en France.
Il faut aussi noter que, durant cette période, nous avons assisté à un ralentissement des personnes qui se convertissaient à l’immobilier et à des désaffections au sein des réseau de mandataires. Il n’empêche, dans ce contexte de fort repli du marché, les réseaux de mandataires, et iad en tête, ont fait preuve d’une meilleure résistance. »
Depuis cette période marquée par la hausse des taux, quelle est la situation sur le marché des investisseurs et des entreprises ?
Magali Marton : « Sur le volet « immobilier d’entreprise », qui concerne les ventes entre investisseurs, soit de bureaux soit d’espaces commerciaux, 2023 a été une très mauvaise année, à 12 milliards d’euros, soit un repli de l’activité sur douze mois compris entre 50 et 60 %.
Notons toutefois que du côté du compartiment des investissements en blocs sur la partie résidentielle, la situation a été meilleure. Et pour cause : les investisseurs, dans ce contexte, ont jugé également que le résidentiel était une nécessité vers laquelle il est plus difficile de se détourner. »
Depuis quelques semaines, les taux d’emprunt reculent. Comment expliquer ce phénomène ? Les banques sont-elles de retour ?
Caroline Arnould : « Depuis quelques mois, les banques sont revenues sur le marché du crédit. Elles ont retrouvé des marges. Aussi, depuis le début de l’année, on assiste à un démarrage concurrentiel entre les établissements bancaires. Il faut dire aussi que depuis 2023 ils n’ont pas conquis de clients. Et une banque qui ne fait pas de crédits est une banque qui ne gagne pas de clients.
Dans ce contexte de marché, les banques se bagarrent à nouveau à coupds de baisses de taux et d’opérations promotionnelles pour conquérir de nouveaux clients. Si bien qu’à présent nous sortons, chez Cafpi, des taux d’emprunt sur 20 ans compris entre 3,75 et 3,80 %. »
Cette baisse des taux a-t-elle un impact positif sur les ventes du réseau iad ?
Olivier Descamps : « Notre activité repart : nous sentons un frémissement depuis quelques semaines. Un exemple : sur la seule journée du 25 mars 2024, nos entrepreneurs ont signé 1 000 mandats et 300 compromis, ce sont des scores que nous n’avions pas atteint depuis des mois.
Les vendeurs commencent à baisser leur prix. Et l’on s’attend à un repli des prix de 5 % cette année à l’échelle nationale. Sur ce point, un signe ne trompe pas : près de 50 % de nos mandats sont requalifiés à la baisse par nos négociateurs.
Cela étant dit, il reste des territoires où les prix demeurent élevés, je pense au sud-est du pays, où l’attractivité reste très forte, grâce notamment au retour des acquéreurs étrangers. »
Quels sont les avantages pour un entrepreneur qui souhaite se lancer dans l’immobilier de rejoindre le réseau iad ?
Olivier Descamps : « Le modèle des réseaux de mandataires a, en à peine une dizaine d’années, démontré toute sa force : tous les ans nous gagnons des parts de marchés, à tel point que 25 % des ventes immobilières sont désormais réalisées par des mandataires. Notre force, c’est de pouvoir nous appuyer sur des entrepreneurs en proximité, au cœur des territoires, proches de leurs clients.
Aussi, avec nous, on voyage léger : au sein de nos réseaux, les mandataires ne paient pas de droit d’entrée comme en franchise, ils ne paient pas, non plus, de loyer ni de frais fixes.
Rejoindre un réseau de mandataires, c’est aussi la possibilité de créer sa propre entreprise en recrutant d’autres négociateurs. C’est donc la possibilité de toucher non seulement la commission à la transaction que j’ai personnellement réalisée, plus celle des conseillers que j’accompagne par le biais des commissions managériales. »
A quelles perspectives de marché peut-on s’attendre pour les mois qui viennent ?
Caroline Arnould : « Sur la question des taux, nul doute qu’ils continueront à baisser cette année. Nous en voulons pour preuve la position de la FED (Réserve fédérale américaine), qui a affirmé qu’elle baisserait ses taux directeurs cette année à trois reprises de 0,5 %. La BCE devrait suivre ce mouvement.
Cette baisse pourrait intervenir dès juin prochain. En conséquence, nous anticipons chez Cafpi des taux à 20 ans autour de 3,3 % à horizon fin 2024. Ce qui, dans l’histoire des taux, sont des niveaux excellents ! »
Magali Marton : « Sur notre secteur, nous sentons que nous nous dirigeons vers une forme de normalisation, marquée par un retour à un certain réalisme. Notre marché devrait atterrir cette année autour des 25 à 30 milliards d’euros, ce qui est déjà conséquent.
N’oublions pas que le marché français offre une attractivité unique pour les capitaux étrangers. Les acquéreurs seront de retour, avec des feuilles de route plus claires, dans un environnement de taux plus sécurisé. L’optimisme est ainsi de mise pour les horizons 2025 et 2026. »
Olivier Descamps : « Chez iad, nous sommes pareillement optimistes. La crise nous a certes chahutés. Mais les frémissements d’une reprise du marché sont bien là. »