Tribune : « De la commission à l’honoraire : pour la réhabilitation des agents immobiliers » par JF Buet
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Les mots ont du sens et leur choix n’est pas indifférent. On le pense, on le sait, on l’a appris des sémiologues, et avant eux des grands auteurs. Pourtant, dans la vie courante, nous manquons d’attention aux mots et nous les employons sans discernement
Plutôt, nous croyons les employer sans discernement… En fait, nous subissons toujours une idéologie installée grâce aux mots, insidieusement, patiemment. Et ce mécanisme est à l’œuvre pour les causes majeures comme pour les sujets plus quotidiens.
Par bonheur, je dénoncerai ici une idéologie des mots qui ne touche pas un sujet grave, mais seulement un sujet sérieux, très sérieux : celui de l’honneur des professionnels du logement, agents immobiliers et administrateurs de biens. Dans le langage courant, les clients disent leur verser des commissions, et il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que les professionnels eux-mêmes emploient le terme de commission. Bref, on s’entend sur le mot de part et d’autre. Ce n’est pas le bon. Il faut parler d’honoraire là où on parle de commission. La différence ? La considération du service, réelle dans le premier cas, faible dans le second.
Stricto sensu, la commission est une somme calculée en pourcentage d’un acte commercial, une vente ou une location par exemple. Elle vient donc le grever, l’alourdir. A cet égard, la fiscalité en vigueur est coupable : lorsque vous achetez un bien, si la rétribution de l’agent immobilier est ajoutée au prix du bien lui-même dans le mandat de vente, l’acquéreur doit payer les droits de mutation sur la somme totale. Tout se passe comme si la rémunération était perçue comme une charge augmentative du prix du logement. Quelque chose comme un parasite. Il faut en passer par une martingale qui consiste à mettre dans le mandat la rémunération de l’agence explicitement à la charge de l’acheteur pour qu’elle ne soit pas taxée comme faisant partie du prix. La conception fiscale est elle-même marquée par l’idéologie de la commission.
L’honoraire en revanche est le nom donné à ce qui est demandé par le membre d’une profession libérale en contrepartie de ses diligences. Derrière le terme d’honoraire, il y a la valeur ajoutée, ni plus ni moins, et l’estime du service rendu. Aucune arrière-pensée sur le calcul qui conduit à déterminer le prix : qu’il soit fondé sur le montant final de la transaction, ou sur les moyens employés pour parvenir au résultat, ou encore forfaitaire eu égard à d’autres considérations, ou enfin qu’il emprunte de façon composite à chacun de ces modèles, peu importe au fond. La commission fleure son pourboire, l’honoraire renvoie à l’autorité d’une profession. L’honoraire sent le conseil, la commission l’intermédiaire. D’ailleurs, à la racine du mot, on retrouve l’honneur. Oui, l’honoraire est honorable comme celle ou celui qui le mérite.
Je me garde d’incriminer l’opinion… Il me revient la chanson d’Aznavour, « En haut de l’affiche » : « ce n’est pas ma faute, mais celle du public qui n’a rien compris. » L’attaque est facile, et il appartient à une profession d’être fière de ce qu’elle est, de le revendiquer et de nommer avec justesse ses prestations et leur reconnaissance financière, avant de l’exiger des autres. Tant qu’on lira, dans les vitrines et dans les annonces des agences, CAI (commission d’agence incluse), pire, FAI (frais d’agence inclus), les professionnels ne pourront pas se plaindre que le public n’estime ni leur engagement ni leur talent à leur vraie valeur.
Au demeurant, le mode de calcul le plus courant pour déterminer la rémunération des agents immobiliers est sans doute coupable. Il ne crée pas de lien avec l’effort déployé, et se limite à cette relation mécanique, algébrique contestable entre le prix du logement et la facture acquittée au professionnel. Il faut que la collectivité professionnelle ouvre avec courage et inventivité une réflexion pour faire évoluer cette équation, vers plus d’intelligence. Et en tout cas, avant même ce chantier de refondation, les agents immobiliers doivent être attentifs à réhabiliter leur métier en appelant un chat un chat. Nul doute qu’on les regardera différemment.
A propos de l’auteur
Après des études de droit à la Faculté de Dijon, Jean-François BUET débute sa carrière comme responsable d’agence bancaire.Il rejoint ensuite en tant que directeur commercial le groupe Pelège, grande société de promotion immobilière Dijonnaise. En 1993, Il fonde alors sa propre agence, le groupe Buet Immobilier, qui compte actuellement près de trente collaborateurs.
Jean François BUET est Adhérent de la FNAIM depuis plus de vingt ans. Il a occupé l’ensemble des mandats aux échelons national et local. Il a été élu Président de la Fédération Nationale de l’Immobilier le 25 mai 2012 pour un mandat de 5 ans non renouvelable avec 88,79 % des voix.
Jean-François Buet, Président de la FNAIM