« La rénovation du bâti ancien doit être portée politiquement » (JM Torrollion, Fnaim)
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« Un dossier majeur pour notre patrimoine. » C’est ainsi que Jean-Marc Torrollion qualifie le chantier de la rénovation des logements en France, notamment s’agissant de son volet énergétique. Dans cet entretien, accordé à News Tank Cities, le président de la Fnaim porte également son regard sur la conjoncture du marché de la transaction dans l’ancien. Pour lui, « sauf conjoncture économique très dégradée », les prix ne baisseront pas massivement dans les mois qui viennent.
Vous souhaitez voir élargi le rôle des copropriétés dans les rénovations et la copropriété devenir un acteur économique plus engagé. Quelle est votre ambition et qui porte politiquement le projet ?
La rénovation du bâti ancien est un dossier majeur pour notre patrimoine, notre habitat et notre activité économique et il doit être porté politiquement. Il faut rendre ce dossier plus populaire et positif. Or, je trouve qu’il n’y a pas assez de députés mobilisés ou impliqués sur ces sujets. La copropriété est une construction juridique remarquable, mais dans un modèle de gestion qui va évoluer. Par exemple, le syndic doit devenir un porteur de projets sur la rénovation énergétique.
Nous devons inscrire ce métier dans une dimension sociétale notamment au travers de la RSE et, dans cette orientation, faire de la copropriété un acteur économique à part entière, capable d’emprunter, au nom de l’intérêt collectif, de façon structurée et comptablement sécurisée, indépendamment des options individuelles des copropriétaires. Le problème de fond, c’est que des banques se retirent de la copropriété, qu’il y a un problème de financement et que des travaux ne se font pas.
Que manque-t-il pour encourager le secteur de la copropriété ?
Il nous manque quelques députés et un noyau d’hommes politiques qui s’intéressent véritablement au sujet de la copropriété. La sénatrice (LR) des Alpes-Maritimes, Dominique Estrosi Sassone, et rapporteure de la Commission des affaires économiques, Richard Lioger, député (LREM) de la Moselle, (ancien rapporteur de la loi ELAN), François Jolivet, député (LREM) de l’Indre, rapporteur de la mission Cohésion des territoires). Il ne faut pas seulement s’y intéresser mais s’y impliquer dans toutes ces composantes.
Comment mieux utiliser les certificats d’économie d’énergie (CEE) dans le financement des rénovations thermiques dans l’ancien ?
Il y a beaucoup mieux à faire avec les CEE. Il faudrait rénover 750 000 logements par an. Dans le domaine des aides financières pour vos travaux d’économies d’énergie, nous devons nous réapproprier opérationnellement les CEE au profit du client final et sortir de cette ignorance, dont nous avons notre part de responsabilité. Mais les obligés, les énergéticiens, doivent nous montrer la voie. Dans le cadre d’une rénovation globale (chauffage, isolation, ventilation…), les CEE peuvent grandement aider à financer des travaux dans le résidentiel. Par ailleurs, nous sommes dans l’optique du DPE opposable aux vendeurs et bailleurs à partir du 01/01/2021 (article 79 de la loi ELAN du 23/11/2018). Il faut objectiver les travaux en termes de performance énergétique.
Le dispositif « Denormandie dans l’ancien », créé en 2019, soutient cet objectif de rénovation et de réhabilitation de l’habitat. Comment, selon vous, le rendre plus efficace et populaire ?C’est un bel outil mais il faut l’étendre, l’assouplir puis le laisser vivre, c’est-à-dire le rendre pérenne. Selon nos estimations, seuls 5 000 à 6 000 biens ont bénéficié de l’aide à l’investissement. Nous devons faire mieux avec l’investissement locatif pour encourager la rénovation dans l’ancien et répondre aux besoins de logement.
Il y a 100 000 logements vacants de plus chaque année, nombre multiplié par 10 en 10 ans. Nous comptons 3 millions de logements vacants en France, à la fin 2019, soit 8,4 % du parc. La politique du logement en France ne peut pas ne pas en tenir compte.
Comment la Fnaim et son réseau peuvent-ils contribuer ou s’investir dans le programme national Action Cœur de Ville des 222 villes ?
Nous approuvons le dispositif Action Cœur de ville depuis sa création. Il doit permettre de rééquilibrer le territoire et d’aller vers une consommation des espaces plus intelligente. Mais pour que ce programme soit opérationnel, il faut se rapprocher le plus possible de la cible et de l’objectif. Le dispositif doit s’appuyer sur le secteur privé local pour y parvenir.
Concernant l’observation des loyers, la Fnaim fait son retour dans l’association Clameur en 2020. Dans quel objectif ?
Oui, la Fnaim est de retour dans Clameur depuis le début 2020, après avoir été parmi les fondateurs historiques de l’observatoire des loyers. Arnaud Simon en est le directeur scientifique, depuis le début 2020. Clairement, il y a nécessité d’une alternative et une obligation d’informations fiables vis-à-vis des pouvoirs publics, des collectivités territoriales. Nous devons nous réapproprier le terrain de l’expertise au nom des professionnels. Notre parole doit avoir une valeur.
Clameur doit redevenir un média puissant, exhaustif, crédible et indépendant. Il faut au sujet des loyers objectiver le débat, à l’écart des idéologies. Nous souhaitons étendre cette observation aux charges de copropriété. Il n’existe pas d’observatoire national. Le recueil de données est fondamental, au même titre que la classification de ces données selon la typologie d’immeubles par région. Clameur sera une institution d’expertise. Il y aura vraisemblablement des précisions sur l’observatoire en octobre 2020.
Que vous inspire la nomination par le Premier ministre Jean Castex d’Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement, le 6 juillet 2020 en remplacement de Julien Denormandie ?
Je me réjouis à la fois de la nomination d’Emmanuelle Wargon et qu’un ministère soit dédié au Logement. Le chantier de la rénovation énergétique des logements est immense mais il représente une chance inouïe pour la relance et doit être une priorité. Nous allons effectivement avoir dans les prochaines semaines un débat très intéressant sur la rénovation énergétique pour savoir quel sont les objectifs. Sera-t-elle uniforme, atteignable financièrement et techniquement ? Emmanuelle Wargon est la personne en capacité de conduire ce dossier sensible, comme le montrent les travaux qu’elle a déjà engagés. Je n’oublie pas que d’autres dossiers majeurs nous attendent, comme la proposition de loi Nogal ou à la numérisation de la chaîne immobilière. J’espère qu’ils ne seront pas les oubliés du remaniement car ils doivent constituer des piliers de la relance.
Je souligne qu’un dossier prioritaire demeure ouvert, finaliser la structuration de la profession : mise en place de la commission de contrôle du CNTGI, reconnaissance réglementaire du caducée des professionnels de l’immobilier, sécurisation de la formation des salariés… Il est urgent d’aboutir sur ce chantier dans la continuité de ce qui a été accompli depuis 2017. Je remercie Julien Denormandie pour le travail accompli depuis 2017. La loi ELAN qu’il a portée a permis de rééquilibrer les rapports locatifs et de progresser dans la reconnaissance des professionnels de l’immobilier comme tiers de confiance.
Avec le dispositif « Denormandie dans l’ancien », il a permis de réorienter la politique du logement vers l’immobilier existant. Julien Denormandie s’est montré à l’écoute, toujours réactif et un soutien sans faille pour nos entreprises dans la crise que nous venons de traverser. Nous le remercions notamment d’avoir reconnu et protégé les titres des professionnels de l’immobilier. Sa vision, non dogmatique et nouvelle sur le logement, nous a permis de grandement avancer. Nous ne pouvons que lui souhaiter la même réussite à l’Agriculture.
Quel regard portez-vous sur la conjoncture du logement ancien ? Une hausse des prix dans les six mois, annoncée dans certains médias du secteur, est-elle crédible ?
Nous avons essayé d’objectiver les raisonnements et d’enlever les discours de fanfarons et de commerciaux que nous avons pu avoir depuis quatre mois. La situation reste très contrastée. Nous sommes sur le constat de la baisse d’une offre. Or dans les dix plus grandes villes de France, nos adhérents nous font part de plus d’offres et moins de demandes. Ceux qui pensent que les prix pourraient se stabiliser, voire baisser, sont dans ces dix grandes villes. Tout le monde se bat pour y faire des affaires. Le marché va s’équilibrer sur des volumes plus faibles. C’est pour cela que je ne crois pas à une baisse massive sauf conjoncture économique très dégradée.
Soutenez-vous la proposition de loi « Louer en confiance, pour la réconciliation des locataires et des propriétaire », annoncée le 14 janvier 2020 à l’Assemblée nationale par Mickaël Nogal, député de Haute-Garonne ?
Je suis pour le rapport Nogal qui arrive au Parlement en octobre 2020. Nous avons eu beaucoup de débats à ce sujet. Je pense que l’on n’a pas assez confiance en nous dans ce qui est nous proposé. Il y a la crainte que tout ne soit pas accessible par toutes nos TPE et que cela soit réservé par certains acteurs. Il y a aussi un problème d’appréhension du produit par rapport aux assureurs avec une garantie de résidence. Mais le caractère facultatif lié à l’ingénierie, l’innovation, nous a bousculés.
Enfin, je demande au député Nogal une réforme des honoraires de baux et honoraires de location. Je souhaite qu’on décorèle le raisonnement consistant à dire : les honoraires sont partagés à parité par le propriétaire et le locataire et ce qu’on facture obligatoirement aux locataires, doit l’être impérativement aux propriétaires.
Au contraire, il faut raisonner sur la part de plafonnement du locataire révisée de l’inflation et qu’il faut sortir de cette forme de parité systématique avec le propriétaire pour permettre de réaliser des produits de gestion moderne packagé aux propriétaires. Je pense qu’il faut s’adapter par rapport aux produits de plateforme, par rapport à des packagings et être de plus en plus souple.
Je veux essayer de l’introduire à l’automne au moment du rapport Nogal. Je peux vous garantir que le raisonnement est admis au ministère du Logement. Nous allons essayer d’être pro-actifs auprès du député Nogal à la rentrée. Il a fait quelques erreurs de communication l’an dernier. Il s’est aventuré sur le terrain économique en nous expliquant quels étaient nos critères de rentabilité et la façon dont on allait facturer les services. Il a été hors champs face une profession qui demeure, il est vrai, conservatrice.