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« Les niveaux des taux de crédit immobilier sont excellents » (Caroline Arnould, Cafpi)

Par Christian Capitaine | Le | Réseaux-franchise

L’instabilité politique qui découle de la décision d’Emmanuel Macron d’organiser un nouveau scrutin législatif est-elle de nature à fragiliser les marchés du crédit et de l’immobilier ? La décision, le 6 juin, de la Banque centrale européenne de baisser ses taux directeurs va-t-elle redonner du pouvoir d’achat aux emprunteurs ? A quel taux de crédit immobilier peut-on s’attendre pour le second semestre 2024 et en 2025 ? Caroline Arnould, directrice générale du courtier Cafpi, a répondu aux questions d’Immomatin.

Caroline Arnould, directrice générale de Cafpi. - © Cafpi
Caroline Arnould, directrice générale de Cafpi. - © Cafpi

La dissolution de l’Assemblée nationale, annoncée le 9 juin 2024, et l’arrivée en tête de l’extrême droite aux élections européennes auront-elles un impact sur le marché du crédit immobilier ?

Difficile de répondre. En revanche, nous avons pu constater que, le lendemain du scrutin, lundi 10 juin, nous avons connu un frémissement de l’OAT (obligations assimilables du Trésor) à 10 ans, qui est le thermomètre et qui permet aux banques de fixer leurs taux de crédit.

Quand il y a de l’incertitude, les taux frémissent toujours un peu. Nous sommes ainsi passés de 3,10 % à 3,16 %. Certes la hausse s’est révélée mesurée, mais elle fut bien là.

Autre conséquence de ce choc politique : nous avons assisté, en ouverture des marchés financiers, lundi 10 juin, à une baisse des valeurs bancaires. Et pourtant, l’annonce de la BCE (Banque centrale européenne) du 6 juin, qui avait révisé ses taux directeurs à la baisse (avec un taux sur les dépôts ramené à 3,75 %, soit une baisse de 0,25 point) était censée apporter du souffle et une visibilité positive sur la tendance baissière des taux de crédit.

Ce qui pourrait aussi inquiéter les marchés, dans le cas d’une arrivée au pouvoir du Rassemblement National, c’est l’état futur de la dette française, et la capacité du pays à la rembourser.

Même si son programme annoncé est très dispendieux, avec par exemple un abaissement de l’âge de retraite à 60 ans, des baisses de TVA et d’impôts… la réalité est que - comme on l’a vu en Italie avec l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni - tous les pays sont soumis aux mêmes règles budgétaires européennes. Ils sont ainsi obligés de réaliser les réductions requises pour rentrer dans les clous de l’Europe.

En conséquence, même une arrivée au pouvoir du Rassemblement National, en France, limiterait ses marges de manœuvre devant cette réalité.

Devant autant d’incertitudes politiques, doit-on s’attendre à ce que les taux de crédits remontent ?

Non, je ne pense pas. N’oublions pas qu’ils baissent, sans discontinuer, depuis janvier 2024, et de façon très régulière.

Aussi, les banques avaient nettement anticipé le repli des taux directeurs de la BCE annonçait jeudi 6 juin, car elles sont, depuis plusieurs mois, dans une logique forte de conquête de nouveaux clients. Elle n’ont pas assez produit de crédits ces derniers mois. S’est instaurée entre elles une forte compétition pour aller chercher de nouveaux dossiers, avec pour effet d’avoir déjà fait baisser leurs taux dans des proportions significatives.

Les taux de crédit à l’heure actuelle sont bas. Ils sont même excellents. Je doute qu’ils baisseront encore dans les semaines à venir. Peut-être même observerons-nous une légère stabilisation, voire un léger renchérissement.

Les banques pourraient adopter une attitude attentiste face à l’évolution de la politique monétaire de la BCE. Mais elles n’arrêteront pas leur dynamique. Elles continueront à prêter.

Qu’est-ce que la baisse des taux directeurs de la BCE va concrètement changer pour les emprunteurs ? Des conditions de crédits plus favorables ?

La baisse des taux de la BCE ne pas va entrainer, sur le court terme, une nouvelle baisse des taux de crédits. J’insiste : en attendant d’avoir plus de visibilité sur l’évolution de la situation politique, nous sommes déjà à des niveaux de taux de crédit qui sont excellents, sur 20 ans, pouvant osciller entre 3,40 % et 3,75 %.

Pour les prochains mois, soit à horizon fin 2024, nous anticipons des taux d’emprunt immobilier à 3,30 %, car la BCE demeure, dans ses annonces, dans une dynamique de baisse de ses taux directeurs, et ce à trois reprises cette année. A la condition, bien sûr, que l’Europe soit au rendez-vous de l’inflation, soit un niveau d’inflation qui tangente les 2 %.

Dans ce contexte, et si le scenario probable de la fin d’une inflation forte est une réalité - car la BCE ajuste sa politique monétaire en fonction de l’inflation observée - elle baisserait ses taux en septembre et en décembre 2024, ce qui serait un signe très positif pour l’évolution des taux de crédit immobilier.

Sur le plus long terme, à quel taux de crédit immobilier peut-on s’attendre pour 2025 ?

Difficile d’être catégorique. Je dirais autour des 3 %. Une certitude, en tous cas : la BCE ne jouera plus avec le feu avant longtemps. L’ère de l’argent gratuit est certainement révolue. A moins d’une récession, une guerre… Néanmoins, nous sommes positifs pour 2025 avec ces taux à 3 % qui seront très bons.

Ce qu’il faudra surveiller, c’est l’attitude des vendeurs et des acquéreurs. Ces derniers reviennent très fort sur le marché du crédit, et notamment les primo-accédants, qui fin 2023 n’avaient plus accès aux crédits car les banques leur fermaient le robinet. La baisse des taux que l’on connaît depuis janvier a ainsi permis de resolvabiliser de nombreux ménages de primo-accédants.

Par ailleurs, ces derniers ne sont pas freinés par des niveaux de taux à 3 %, car si un jour les taux baissent en dessous de ce niveau, ils pourront renégocier. De plus, n’ayant pas connu les taux à 1 % des années passées, il n’y a pas, pour eux, de barrière psychologique à l’emprunt.

Avec des taux à 3 %, peut-on s’attendre à un rebond du marché cette année et en 2025 ?

Concernant le marché du crédit, oui. S’agissant du marché immobilier, 2024 sera une année de transition. Et 2025 devrait sonner la reprise de la dynamique, avec une stabilisation du niveau des transactions. Nous voyons, d’ores et déjà, les montages repartir. Le premier semestre 2024 est certes encore un peu poussif, mais la dynamique repart.

Fin 2024 sera de meilleure augure concernant l’activité du crédit. Nous en voulons notamment pour preuve les infos tout juste relayées par Crédit Logement (organisme qui pèsent 30 % du marché), qui annonce des hausses de volumes importants depuis début 2024.

Selon ses données, la production de crédit a augmenté de 74 % entre décembre 2023 et mai 2024, et le nombre de prêts accordés de 86,2 %. Au fil des mois, le rétablissement des marchés se confirme, à la fois celui du crédit et de l’immobilier.