Portails

« Il n’est pas envisageable de laisser de telles dérives perdurer » (H. Mouheb - Fed Experts)

Par Christian Capitaine | Le | Sites pour les professionnels

Mise sur le devant de la scène depuis l’importance prise par le DPE (Diagnostic de performance énergétique) dans un contexte d’éradication, à long terme, des passoires thermiques, la profession des diagnostiqueurs est également victime, depuis plusieurs semaines, de procès en incompétence de la part de certains médias. Ces critiques sont-elles justifiées ? La profession ne souffre-t-elle pas d’un manque de réglementation ? Hassad Mouheb, président et cofondateur de la fédération Fed Experts, a répondu aux questions d’Immomatin.

Hassad Mouheb, président et co-fondateur de la fédération Fed Experts. - © D.R.
Hassad Mouheb, président et co-fondateur de la fédération Fed Experts. - © D.R.

La profession des diagnostiqueurs est, depuis plusieurs mois, victime de procès en incompétence de la part de plusieurs médias. Comment en est-on arrivé là ?

Cette situation pesante n’est pas nouvelle : ces procès, qui mettent sur le devant de la scène des dérives de fraudes ou d’incompétence dans la tâche de certains diagnostiqueurs, existent, en effet, de longue date. Si certains médias se saisissent aujourd’hui de ce sujet, c’est certainement parce que le DPE a été choisi, par les pouvoirs publics, comme l’outil de références destiné à éradiquer les passoires thermiques.

Et cet outil, rappelons-le, conditionnera fortement l’audit énergétique réglementaire prévu à partir du 1er avril 2023. Et surtout, avec des conséquences qui pourraient peser lourd financièrement pour les propriétaires et les bailleurs qui devront s’engager dans des travaux de rénovation énergétique. 

Ces critiques vous semblent-elles justifiées ?

Elles le sont, en partie. Il existe de nombreux trous dans la raquette, tant sur le dispositif de formation que sur celui de la certification. En effet, plusieurs acteurs masquent, et donc cautionnent, la fraude à la certification.

J’ajoute que l’absence de contrôle suite aux formations liées aux évolutions réglementaires, et la casse des prix au détriment de la qualité de la prestation, sont autant de dérives importantes qui touchent la profession des diagnostiqueurs.

Cela étant dit, on compte, bien sûr, une grande partie de professionnels qui répond aux exigences réglementaires. Mais compte tenu de la dimension prise par le DPE et l’audit énergétique, il n’est plus envisageable, désormais, de laisser de telles dérives perdurer. Elles doivent être éradiquées.

La profession n’a-t-elle pas souffert, au cours des dernières années, d’un manque de montée de compétence ?

Je ne le crois pas. Certes les pouvoirs publics ont fait le nécessaire en publiant des arrêtés de compétence qui obligent cette montée. Mais de nombreux moyens permettent de la contourner. Je prends l’exemple de la fraude à la certification : on sait que certains professionnels utilisent le numéro de certification d’autres professionnels pour pouvoir travailler.

Autre exemple de dérive avec des organismes de formation en ligne : chez certains d’entre eux, un simple clic sur un module de formation, sans nécessairement l’avoir suivi, vous délivre une attestation.

La filière du diagnostic immobilier doit-elle être mieux réglementée ? Quelles sont vos pistes ?

Je ne dirais pas « mieux réglementée » mais « mieux fiabilisée ». Et ce sur terrain, très peu a été fait au cours des dernières années. Pour sortir de cette impasse, nous avons, chez FED Experts, organisé, Il y a quelques semaines, un Grenelle du Diagnostic dont l’objectif a consisté à relever l’ensemble des dérives et dysfonctionnements qui sévissent au sein de la profession.

Ce travail a débouché, en novembre dernier, sur la publication d’un livre blanc comportant, pour chaque dérive, une solution appropriée.

Je prends un exemple : aujourd’hui, lorsqu’un diagnostiqueur se présente chez un particulier, ce dernier n’a aucun moyen de s’assurer que le professionnel à qui il a fait appel est suffisamment qualifié. Cela relève du non-sens. Donc, pour fiabiliser notre profession, nous estimons juste qu’un particulier ait le droit de pouvoir consulter la certification du technicien.

Cette consultation pourrait être remise sous format papier ou PDF par l’organisme de certification, ou bien via une carte physique dotée d’un QR-Code qui renverrait vers l’annuaire des diagnostiqueurs tenu par le ministère.

Autre exemple : le particulier doit aussi pouvoir rendre compte le temps passé sur place chez lui par le technicien. Cela se ferait par le biais de solutions qui utilisent les technologies pour géolocaliser et horodater les rapports de diagnostics immobiliers, les insérer dans la « blockchain » pour ne plus les rendre modifiables.

L’idée de la Fnaim de créer une carte professionnelle « D » est-elle bonne ?

Cette idée n’est pas nouvelle. En 2006, déjà, juste avant l’obligation qui avait été faite aux diagnostiqueurs de se certifier, les pouvoirs publics s’étaient penchés sur cette question de la création d’une carte professionnelle. Mais elle a été abandonnée.

Selon nous, le système de certification suffit. La certification de personnes, comme son nom l’indique, est personnelle. Elle doit le rester. Nos adhérents chez FED Experts voient dans cette carte « D » une nouvelle dérive potentielle. En effet, on peut estimer que certains techniciens s’en serviraient pour envoyer sur le terrain des personnes non qualifiées et signeraient les rapports à leur place, à l’image de certains mandataires immobiliers.

En revanche, s’agissant de la qualification des entreprises, l’existence de la carte aurait du sens. Ce que nous proposons, c’est que ces personnes morales fournissent un système qualité qui comprendrait : son manuel qualité, son KBIS, son assurance, la liste de son matériel, etc.

Discutez-vous avec la Chambre des diagnostiqueurs de la Fnaim ?

Je connais très bien son président, Yannick Ainouche, avec qui j’ai eu le plaisir de travailler avant sa nomination. Avec la Chambre des diagnostiqueurs de la Fnaim je n’ai, pour le moment, aucun contact, bien que nous soyons ouverts à toutes collaborations utiles.

Nous croyons à l’unité des forces pour le bien de notre filière. Nous avons manifesté, à plusieurs reprises, notre désir d’échanges avec la Fnaim. Mais pour l’heure, c’est le calme plat.

Cela vient probablement du fait que nos constats sur la filière varient. La CDI-FNAIM qualifie certaines dérives de marginales ou inexistantes alors qu’on les constate avec force tous les jours dans les médias et sur le terrain.

Ces deux visions et oppositions expliquent sans doute la perte de confiance auprès des pouvoirs publics et des consommateurs. Et j’estime que seize ans après la mise en place du dispositif de certification, il n’est pas normal qu’une partie de la profession minimise ou ignore ces faits.

Concernant vos relations avec les agents immobiliers, quelles pratiques doivent-être mises en place pour mieux travailler avec eux ?

Tout d’abord, les diagnostiqueurs  doivent offrir plus de pédagogie aux agences immobilières en leur expliquant ce que contiennent les dispositifs de formation, de certification, le matériel nécessaire, la méthodologie de chaque diagnostic immobilier, les documents nécessaires à réclamer en amont pour avoir les diagnostics les plus fiables et précis possibles et les risques sanitaires pour les biens et les personnes.

L’objectif, ici, est de mieux appréhender les risques de fraudes et autres dérives, et faire comprendre que le temps passé sur place représente un coût et que la pratique de tarifs agressifs se fait au détriment de la qualité des diagnostics immobiliers.

Avec le DPE devenu opposable et l’audit énergétique, les litiges vont significativement augmenter et c’est un vrai casse-tête pour les assureurs, qui, pour beaucoup, ont quitté le marché. Ils reviendront sûrement si nous réussissons ce vaste et ambitieux challenge de fiabilisation de la profession.

Qui est FED Experts ?

Fed Expert a été créée en 2021. Elle est la première fédération indépendante qui rassemble à la fois les acteurs du diagnostic et ceux de l’efficacité énergétique. Fédérant 1 000 diagnostiqueurs (sur les 10 000 recensés en France), elle s’adresse aussi bien aux personnes physiques que morales. Et donc aussi bien aux indépendants, aux petites, aux moyennes et plus importantes structures engagées dans le défi de la transition énergétique.