Partage de mandats exclusifs : Henry Buzy-Cazaux et Bernard Cadeau montent au front
Par Christian Capitaine | Le | Sites pour les professionnels
Pour le président et le délégué général de Partage+, association qui déploie sa plateforme de partage de mandats exclusifs Listigo, il y a urgence : alors que s’ouvre une ère de tension sur le marché immobilier, les professionnels auront, plus que jamais, besoin de partager leurs mandats pour développer leurs affaires. Et tel est l’objectif de Partage+, ainsi que ses deux dirigeants le confient à Immomatin : « Aller chercher les 35 % de parts de marchés qui nous échappent encore. »
Partage+ et sa plateforme Listigo (anciennement iListing) ont été lancés début 2021. Pourquoi une nouvelle structure de partage de mandats exclusifs ?
Bernard Cadeau : Car dans l’écosystème des organisations de partage de mandats entre agents immobiliers, aucune ne peut prétendre, aujourd’hui en France, avoir la capacité de rassembler toutes les autres.
Chez Partage+, notre posture n’est pas celle d’une organisation qui se pose en tant que concurrente. Notre souhait, c’est de fédérer. Partager est un acte tout à fait respectable lorsque l’on exerce l’activité d’agent immobilier. Mieux : c’est devenu un besoin vital.
Aujourd’hui, il faut être pragmatique. Et notre ambition, au sein de l’association Partage+, est d’être le fédérateur, en France, du partage des mandats exclusifs entre agents immobiliers.
Henry Buzy-Cazaux : Aux Etats-Unis, le marché de l’immobilier s’appuie sur une plateforme générale, le fichier MLS (Multiple Listing Service), sur laquelle tous les agents immobiliers y déposent leurs mandats.
Cette base de données, qui rassemble tous les biens immobiliers mis en vente, a deux principales vertus : d’une part, offrir aux porteurs de projets immobiliers une vision panoramique de l’offre et, d’autre part, mettre à disposition des vendeurs un outil qui va leur permettre de vendre plus vite. Cette MLS est, pour moi, une sorte d’idéal professionnel. Et cet idéal, nous ne l’avons pas encore atteint en France.
Je relève, par ailleurs, deux éléments essentiels qui caractérisent notre plateforme Listigo : elle est accueillante, c’est-à-dire qu’elle est ouverte, sans distinction, à tous les acteurs dont l’activité est soumise à la loi Hoguet (dont les réseaux de mandataires) ; et son accès est gratuit.
B. C. : Et le fait que Partage+ soit une association loi 1901, et non pas une société commerciale, donne également du sens à notre démarche, qui reste œcuménique.
Henry Buzy-Cazaux, vous avez rejoint Partage+ fin octobre 2022. Pour quelles raisons ?
H. B.-C. : Bernard Cadeau, le fondateur et délégué général de l’association, m’a demandé de le rejoindre et j’ai accepté sans mal car nous avons, avec cet homme qui fut le grand président, pendant plusieurs années, du plus grand réseau immobilier de France, les mêmes convictions.
Nous sommes tous les deux convaincus que le mandat exclusif est, par essence, le matériau de base de l’agent immobilier. Et ce, alors qu’il reste très marginal en France. En effet, on estime que seulement 1 mandat signé sur 5 est un mandat exclusif. La France reste une exception. La France accuse un certain retard, et l’on ne peut pas se satisfaire de cela.
Ma deuxième conviction, avec le partage de mandats exclusifs, est qu’il faut être œcuménique. Or, avec les autres fichiers existants, cet objectif n’a pas été atteint. Le pays compte près de 30 000 agents immobiliers. Et que pèse le fichier Amepi ? Entre 4 000 et 5 000 personnes. Ce n’est pas satisfaisant. Cet objectif de rassemblement, que nous appelons de nos vœux, n’a pas été atteint.
B.C. : En France, nous faisons face à un plafond de verre que l’on n’arrive pas à briser : alors que l’on a compté, au cours des dix-huit derniers mois, 30 % de cartes T supplémentaires, les ventes immobilières intermédiées ont plafonné, dans le même temps, à 65 %, contre 35 % pour celles réalisées entre particuliers. C’est illogique !
Le constat est clair : les marques n’ont eu de cesse de se vampiriser. Or, c’est avec le partage du mandat exclusif, qui n’est certes pas nécessairement intuitif mais pourtant si efficace pour les agents immobiliers, qu’on lèvera les principales objections du vendeur.
H. B.-C. : J’ajouterais une chose : il y a, au sein de la profession, une certaine forme d’autosatisfaction. Elle aime dire qu’elle n’est pas disruptable, qu’elle est la plus forte. Attention ! Il faut que nous cessions de nous considérer comme intouchables.
Si elle n’est pas dans la valeur ajoutée, notre profession peut être menacée. Nous devons tous en prendre conscience.
Les temps qui s’ouvrent s’annoncent difficile pour le marché immobilier. Il s’inverse. Nous en avons pour au moins deux à trois ans. Cela nous oblige à nous inscrire dans la valeur ajoutée. L’heure n’est plus aux états d’âme. Il faudra voir la réalité en face pour la surmonter. Attention aux discours aseptisés !
Combien d’agents immobiliers fédère Listigo ?
B. C. : Nous comptons en nombre d’utilisateurs, et à ce jour, nous en recensons 15 000. Concernant le nombre de mandats exclusifs partagés, nous dépasserons la barre des 7 000 d’ici la fin de l’année 2022.
Quant à nos objectifs, ils sont clairs : aller chercher les 35 % de parts de marché qui nous échappent. Nous sommes décidés à faire changer les mentalités. Notre regard est neuf. Il faut sortir des clivages, des petits intérêts qui nous animent ici et là. Il est temps, pour notre profession, d’avoir une autre maturité.
Et j’insiste : notre plateforme Listigo est ouverte à tous les professionnels : de nombreuses grandes marques nous ont déjà rejoints en signant des conventions, je pense à Arthurimmo, Efficity ou encore propriétées-privées.com. Sans oublier le partenariat que nous avons signé avec le syndicat Unis.
Quels sont vos espoirs de faire bouger les lignes ?
B. C. : Je suis un éternel optimiste. Et je crois fermement en la capacité des individus à changer, à évoluer.
H. B.-C. : La qualité de notre outil est telle qu’il saura, nul doute, convaincre les agents immobiliers de s’en saisir. Avec Bernard, nous avons été les témoins d’une évolution lente. Nous avons aussi cru qu’avec le fichier Amepi les barrières seraient abolies. Cela n’a pas été le cas.
Un second saut reste à faire. Nous sommes prêts. Et nous sommes convaincus que la conjoncture qui s’ouvre sera le vecteur qui permettra de précipiter les choses : plus que jamais, mieux vaudra partager son mandat exclusif que rester seul dans son coin.