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« Nous avons modélisé toutes les villes de plus de 50 000 habitants en 3D »

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La 3D est de plus en plus au cœur de l’immobilier. Siradel a été l’un des pionniers de la 3D dans l’immobilier en lançant ses premières modélisations dès 1994. Siradel a développé un logiciel créant « un jumeau numérique » des territoires, une modélisation 3D regroupant un ensemble de données administratives, économiques, sociales et techniques pour faciliter la planification urbaine. Rachété par le groupe Engie en 2016, Siradel a connu une forte expansion internationale.Laurent Bouillot, le fondateur, est resté à la tête de son entreprise et nous révèle en quoi la 3D va révolutionner le travail quotidien de tous les acteurs de l’immobilier et de la ville.

« Nous avons modélisé toutes les villes de plus de 50 000 habitants en 3D »
« Nous avons modélisé toutes les villes de plus de 50 000 habitants en 3D »

Comment et dans quel but a été créé Siradel ?

J’ai créé Siradel avec mon épouse en 1994. Notre entreprise travaillait à l’origine avec les opérateurs de réseaux mobiles, pour qui la capacité de modéliser les territoires et de simuler le déploiement d’infrastructures est essentiel. Nous avons commencé à travailler avec le GSM, en déployant les premières infrastructures pour les citoyens et de fil en aiguille. Après la 2G, 3G puis 4G, nous sommes arrivés à la 5G, sur laquelle nous travaillons depuis une dizaine d’années. L’objectif est d’évaluer les possibilités d’installations. C’est à ce moment-là que nous nous sommes intéressés à la ville durable et connectée. Nous avons rejoint le groupe Engie en 2016 afin de poursuivre nos activités de smart city planning, de planification intégrée des villes, de création de jumeau numérique, de développement de plateformes de visualisation et de simulation des transformations de territoire. Nous opérons dans plus de 60 pays, à Toronto, Hong-Kong et Moscou. Le fait de rejoindre Engie nous a donné une dimension plus importante, à l’image de projets comme la plateforme de la Région Île-de-France.

Combien de villes sont modélisées en France ?

En France, nous avons modélisé en 3D plusieurs milliers de villes, puisque nous investissons d’abord sur de la numérisation du territoire. Sur le territoire français, toutes les villes de plus de 50 000 habitants sont numérisées en 3D. Cela nous sert pour les acteurs qui veulent aménager le territoire et progressivement pour travailler avec les collectivités. Nous avons une vraie logique d’éditeur de données et de plateformes, combinée avec notre capacité à construire des outils et des solutions avec les collectivités. La plateforme d’Île-de-France n’est pas partie de rien. Nous avions déjà nombre d’outils nous permettant de naviguer sur le territoire et la capacité à produire et agréger de grands jeux de données. Tous ces savoir-faire et produits logiciels ont pu être mis à profit en croisant ces solutions avec des solutions d’autres sociétés, comme OpenDataSoft, un de nos grands partenaires sur le projet. C’est une brique logicielle très intéressante que nous avons intégrée à notre écosystème.

À partir de quelles informations est produit le « jumeau numérique » d’une ville ?

Pour créer la modélisation 3D, nous prenons des milliers de photos par satellite, par avion, par véhicule et à partir de sacs à dos portés par des agents. Nous avons notamment notre propre véhicule permettant de prendre des millions de photos dans les rues, à l’image de celui de Google, doté de caméras très puissantes et de capteurs environnementaux (luminosité, pollution, bruit…). L’objectif est d’obtenir, en un passage, une représentation complète du territoire et de dessiner en 3D les villes avec une précision entre le mètre et le centimètre. C’est la 1e brique du jumeau numérique, à laquelle nous associant toutes les informations de la ville, quelles qu’elles soient. Cela peut être des informations environnementales (qualité de l’air, connectivité), techniques (des informations sur les infrastructures et les équipements), juridiques et administratives… Par exemple, vous pourrez vous balader dans la modélisation 3D d’une ville, cliquer sur un lampadaire et connaître toutes ses informations. Toutes les informations sont réunies dans un seul référentiel. Et nous produisons des millions de jumeaux numériques dans le monde afin de créer un référentiel commun pour tous les acteurs.

Ces données sont-elles toutes accessibles en open data ?

Énormément de données sont effectivement disponibles en open data. Ensuite, en fonction des projets, nous rajoutons des informations privées, professionnelles, qui peuvent être partagées avec les membres du projet. C’est ce qui fait la plus-value de la démarche smart city. Il ne s’agit plus de visualiser seulement ses propres équipements, mais également les interventions de ses collègues. Quand on souhaite aménager une rue, il faut penser aux réseaux d’eau, d’électricité, de gaz pour se projeter.

Comment choisissez-vous les informations à rassembler dans le logiciel ?

Tout va dépendre de la nature du leader de l’aménagement : les mêmes données ne seront pas nécessairement pertinentes pour une ville, un aménageur ou un opérateur de télécommunications. Il faut une grande capacité d’adaptation car les partenaires doivent disposer d’outils interopérables, que ce soit les données et les logiciels. Notre plateforme Smart City Explorer, au cœur de la plateforme d’Île-de-France, est utilisée dans plusieurs écosystèmes de solutions logicielles.

Dans quels cas cette technologie permet-elle à vos clients d’orienter leurs décisions ?

Il est intéressant de combiner des informations, et notamment d’utiliser des informations très techniques avec des informations socio-économiques. Par exemple, si une collectivité ou un industriel souhaite déployer un réseau de chaud, et pour le détailler, souhaite connaître la position des systèmes de chauffage déjà présents, ils auront besoin d’avoir accès à ces informations qui ne sont pas forcément publiques mais qui peuvent être partagées. Nous pouvons ensuite faire des simulations d’impact d’émissions de CO2 et montrer ainsi la valeur ajoutée d’un réseau de chaud par rapport à des systèmes individuels. Nous pouvons repérer la chaleur émises par les systèmes de froid individuels (climatisation) l’été et combiner ces informations avec l’âge des habitants, afin de repérer les potentiels publics à risques les jours de canicules. Donc la combinaison des différentes données permet d’anticiper des situations complexes. C’est en jouant sur toutes ces verticales que nous parviendrons à obtenir des bilans énergétiques moins élevés et à améliorer la qualité de ville.

Une ville change énormément et rapidement. Comment les données sont-elles mises à jour ?

Nous faisons des mises à jour par des campagnes de prises de vue régulières. En France, nous sommes le leader privé en termes de production de données géographiques. Nous planifions tous les jours des prises de vue aérienne sur telle ou telle ville pour actualiser nos données selon les évolutions urbaines.

Parmi vos clients, quelle est la répartition entre privé et public ? Quelle part représentent les collectivités ?

Historiquement, nous avons plus d’industriels parmi nos clients et comptons de plus en plus de collectivités, des régions comme des villes. Nous sommes présents dans une vingtaine de métropoles et de grandes unités urbaines.

Le type de collectivité, dont les dimensions et les compétences sont différentes, change-t-il la manière de travailler la modélisation ?

Oui car la notion d’échelle est fondamentale. Souvent, lorsque l’on parle de smart city, on pense à des dispositifs high tech pour les villes les plus riches, mais ce n’est pas la bonne façon de faire. Il faut raisonner à l’échelle des territoires et créer des interactions entre la ville et ses alentours, jusqu’au village modeste. Pour la Région Île-de-France, 1270 communes sont concernées, y compris les entités de 500 habitants. Pour éviter la fracture numérique, il faut avoir une vision globale du territoire. C’est dans ce but que nous avons numérisé l’ensemble du territoire de France. Une commune de 500 habitants n’a pas les mêmes moyens qu’une grande ville. Pourtant, il faut mettre en place des outils qui soient accessibles financièrement à tous.