« Le HCSF est déconnecté de la réalité économique des ménages » (Arnaud Hacquart, Imodirect)
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Pour Arnaud Hacquart, PDG d’Imodirect, agence immobilière en ligne dédiée à l’activité de recherche de locataires et de gestion locative, il conviendrait, pour rouvrir l’accès au logement, de suspendre les critères du HCSF pendant un an et de mettre en place une commission chargée d’examiner les dossiers de crédit ayant fait l’objet d’un refus de prêt. Il commente également les dernières annonces du Gouvernement sur le DPE, dont le mode de calcul a été révisé pour ne plus pénaliser les petites surfaces.
En 2024, vos clients font-ils face au dilemme « vendre ou rénover », doivent-ils arbitrer leur bien ou s’engager dans une rénovation thermique ? Quels sont les impacts sur l’activité locative ?
Je ne parlerai pas de dilemme car, aujourd’hui, il est devenu quasi impossible de vendre un bien de type passoire énergétique, hormis pour quelques marchands de biens. Les banques sont très attentives aux DPE et limitent l’accès aux financements quand ce sont des étiquettes F et G. Pour l’étiquette E, la porte reste entr’ouverte.
À moins d’avoir un apport important ou d’inclure précisément le coût de la rénovation, les banques se sont mises en retrait. Le Haut conseil de stabilité financière est déconnecté de la réalité économique des ménages. Les critères qu’il édicte ferment l’accès au logement, à l’accession et à l’investissement. L’intervention de cette autorité prudentielle est lourde de conséquences.
Pourtant, les banques connaissent leurs clients, savent évaluer le reste à vivre et ont toutes les informations pour prendre la bonne décision dans chaque cas particulier. Ne faudrait-il pas suspendre les critères du HCSF pendant un an et évaluer la situation ?
Il faut, comme le Gouvernement s’y est engagé, mettre en place une commission chargée d’examiner les dossiers de crédit ayant fait l’objet d’un refus de prêt et d’analyser le bien-fondé de la décision de l’établissement prêteur.
N’était-ce pas le but recherché par les pouvoirs publics, dès 2021, que de provoquer des rénovations et d’éradiquer les milliers de passoires thermiques ?
Il est clair que la mise en place du DPE et son calendrier poussent à la rénovation des logements, pour plus de sobriété énergétique et une meilleure qualité de vie. Il y a une prise de conscience, incontestable, et un passage à l’acte de la rénovation par geste.
Chez Imodirect, nous avons même créé une activité dédiée pour permettre à nos clients de faire ces travaux d’isolation par l’intérieur. Mais attention, les artisans vont crouler sous la demande. Tous ne sont pas encore formés pour ce type de travaux. Le risque est de voir les prix et les délais grimper.
Les annonces en février 2024 du Gouvernement sur le DPE, dont le mode de calcul est révisé pour ne plus pénaliser les petites surfaces, peuvent-elles faire évoluer la conjoncture ?
Oui, cette information circule et le simulateur de l’Ademe, plutôt bien fait, aide à renseigner sur les obligations de travaux en fonction de la classe énergétique du logement.
Le nouveau calcul a un vrai impact pour les surfaces de moins de 15 m2 et peut permettre de gagner jusqu’à deux lettres. Entre 15 m2 et 25 m2, et selon les configurations, on peut gagner une lettre. Au-dessus de 25 m2, il n’y a quasi pas de changement de lettres. Mais par-dessus tout, nous espérons que ce nouveau mode de calcul restera figé.
Le Gouvernement ne peut pas faire une nouvelle annonce sur le DPE toutes les semaines. Il faut figer les positions sur les DPE et Ma Prime Rénov’ pour orienter les propriétaires au plus vite, et ne pas changer les règles du jeu tous les quatre matins.
Nous avons tous besoin de certitudes sur la durée. Il est dommage de ne pas avoir tenu compte, dès 2021, de la surface dans la pondération du calcul. Cette évidence aurait dû s’imposer dès le début du DPE. Franchement, la méthode pose question. Elle provoque une situation d’attente généralisée.
L’échéance de janvier 2025 pour les logements de classe G n’est pas anodine avec l’interdiction de louer. Personne n’a envie de se retrouver dans l’illégalité. Les locataires connaissent très bien la loi. Le critère du DPE est entré dans les têtes. Il est coché dans toutes les recherches d’appartement et provoque une vraie décote. Ce qui est certain, c’est qu’on n’arrive pas à vendre et que de nombreux biens deviennent inlouables.
Le statut du « bailleur privé », réclamé par la profession depuis plusieurs années, est-il aussi demandé par vos clients ?
Oui je suis partisan d’un statut qui donne aux bailleurs des règles sûres dans la durée, sans distinction d’appartement meublé ou nu, qui pour moi est incompréhensible. Les investisseurs doivent revenir sur le marché. Le statut du bailleur privé, qui est plus une demande de l’écosystème que des particuliers eux-mêmes, doit être compris dans une vision macro-économique du logement.
Faut-il permettre la portabilité et la transférabilité des prêts pour autoriser le vendeur à reporter son crédit obtenu à un taux avantageux sur l’achat d’une nouvelle acquisition ou à le transférer à l’acquéreur de son logement ?
L’idée de pouvoir garder prêt contracté pour un bien et utilisé pour un autre, quand c’est le même emprunteur, va dans le bon sens. C’est à coût nul pour l’État et cela faciliterait des acquisitions. La portabilité des prêts d’un propriétaire accédant à un autre pour le même bien à la faveur d’une cession fait aussi partie des pistes.
Selon la Fnaim, il faudrait défiscaliser les revenus locatifs après un différé de 10 ans de détention pendant une durée de 10 ans. Qu’en pensez-vous ?
La fiscalité est un bon moyen d’inciter les investisseurs privés. Ce devrait être une priorité. Avec le recul, l’instauration de l’IFI par Emmanuel Macron n’a pas envoyé un bon signal. Or nous avons besoin de logements en France.
Je constate chaque jour ces difficultés quand pour 1 annonce en ligne, nous recevons 20 réponses. Le bien est loué en deux heures. Résultat : il y a 19 déçus. Il faut sortir de la vision comptable des dépenses publiques et favoriser le logement, surtout quand la santé des entreprises et la satisfaction des besoins en logements deviennent problématiques.