« Un marché de l’immobilier ancien en trompe-l’œil en 2021 »
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Dans une interview à notre partenaire News Tank Cities, Yann Jéhanno, président de Laforêt, analyse en profondeur l’évolution du marché de l’immobilier dans l’ancien en 2021 (dynamique du marché, évolutions des prix, délais de vente, stratégies de relance de l’offre, etc.) et en dresse les perspectives pour 2022.
Que retenez-vous du marché de l’immobilier ancien en 2021 au sein du réseau d’agences immobilières Laforêt (groupe Arche) ?
Je vois un marché de l’immobilier ancien en trompe-l’œil en 2021. D’un côté, on a un volume de transactions (1,2 million de transactions selon les chiffres des Notaires de France, +9,9 % par rapport à 2020), qui signe une nouvelle année record.
De l’autre, ces chiffres records sont soutenus par un intérêt pour la pierre de la part des Français de plus en plus grandissant. La demande continue d’accélérer pour atteindre +18 % au national en 2021 par rapport à 2020, année entachée par les confinements liés à la crise sanitaire, mais déjà très dynamique. Les investisseurs sont très actifs, représentant 25 % des intentions d’achat. L’immobilier conserve son statut de valeur refuge grâce à des taux d’intérêt stabilisés autour de 1 %. Ce sont les maisons qui profitent le plus de cet intérêt avec +19 % enregistrés sur ce type de bien en 2021 contre seulement +9 % pour les appartements.
Le marché cache un stock de biens disponibles à la vente qui n’a jamais été, en France, à un niveau aussi bas après 4 années historiques de volumes de transactions. L’offre affiche un nouveau recul de 15 % par rapport à 2020. Tous les types de biens sont concernés par la pénurie. Les maisons sont les plus impactées avec une baisse de 16 % des mises en vente (-4 % pour les appartements).
Paris fait exception avec un marché qui s’est détendu en 2021, débouchant sur une offre reconstituée à hauteur de 24 %. Cette hausse ne représente dans la réalité que deux biens supplémentaires dans le portefeuille d’une agence immobilière. En Île-de-France, 2 tendances s’entrechoquent, avec d’un côté un stock d’appartements qui se reconstitue progressivement, et de l’autre une offre de maisons qui recule fortement, conduisant à un juste équilibre, soit -1 % de variation du niveau de l’offre par rapport à 2020. C’est dans les régions que la baisse des mises en vente est la plus spectaculaire (-23 %), après une année 2020 déjà marquée par un fort recul. Jamais les stocks n’ont été aussi bas.
En plus du niveau du stock très bas, on observe un niveau de prix qui atteint en 2021 des records au sein du réseau Laforêt, 3 394 € le m² (+6,1 %) en moyenne au niveau national après avoir enregistré une hausse de 4 % en 2020. Et c’est sur les maisons que la hausse est la plus significative (+7,9 % et +4,5 % pour les appartements).
Malgré un léger tassement cet été, les prix restent sur une tendance haussière du fait d’un effet de rareté et d’une demande qui ne cesse de progresser. La situation pousse à l’extérieur du marché les ménages les plus modestes et les jeunes actifs, ou cela les oblige à reconfigurer leurs projets en recherchant des logements bien plus petits ou beaucoup plus loin de leurs espaces initiaux de leurs recherches.
Observez-vous des écarts de prix selon les villes et les territoires ?
Les prix progressent de +6,1 % au national à l’exception de la ville de Paris qui enregistre un recul de 1,4 % mais elle reste au niveau d’avant-crise à 10 376 € le m². Malgré la crise de la Covid-19, le prix de l’immobilier parisien est resté stable pour plusieurs explications : la vie a repris après le reste de la France, les sièges sociaux étaient fermés en raison du télétravail, les parisiens étaient en résidences secondaires ou dans leurs familles en régions, sans compter que la clientèle internationale est loin d’être revenue.
En région, la croissance atteint +8,2 % avec 2 430 € le m². 2 régions attirent les clients, la Bretagne et la Normandie, très prisées depuis 18 mois. Elles enregistrant des progressions de prix très importantes dans l’immobilier ancien significatives, comme à Lorient (+11 %), à Brest (+9 %), au Havre (+8 %). Elles attirent des Parisiens à un fort pouvoir d’achat.
Dans d’autres villes, les prix s’envolent comme à La Rochelle (+9 % sur le prix du m²) et le long des côtes littorales en Nouvelle-Aquitaine, dans les agglomérations à proximité de l’Île-de-France, comme Orléans (+7 %). Dans les grandes métropoles, comme Bordeaux et Lyon, la hausse reste contenue sous la barre des 2 %. Seule Marseille fait exception où le prix du m² a augmenté de 7 % en 2021.
Comment évoluent les délais de vente en 2021 ?
Les délais de vente passent au national sous la barre des 80 jours (79 exactement), soit quasiment 2 semaines de moins qu’en 2020. Tout se vend, et vite, y compris dans les régions (83 jours). À titre de comparaison, il fallait compter 97 jours en moyenne en 2019 pour signer une transaction en dehors de Paris ou de l’Île-de-France. Les acquéreurs se décident rapidement et il n’est désormais plus rare de voir plusieurs offres d’achat simultanées sur un même logement.
À Paris, où les délais de vente se stabilisent à 77 jours en 2021 et 58 jours en 2019. On a pris quasiment 3 semaines de délais supplémentaires pour vendre un logement à Paris. La capitale qui a été pendant longtemps le marché le plus liquide où les transactions évoluent plus rapidement ne l’est plus. C’est l’Île-de-France qui profite du report des Parisiens sur son territoire, avec des délais de vente qui accélèrent de manière significative (67 jours), 11 jours de moins qu’en 2019. Des chiffres qui traduisent l’attractivité de cette région qui concentre de nombreux avantages : bassin économique, infrastructures de transport, pôles éducatifs et culturels de référence.
Comment faire selon vous pour relancer une offre à bout de souffle ?
En amont, le marché du neuf est à la peine, avec l’arrêt de nombreux chantiers en 2020 et, 2022, des difficultés d’approvisionnement en matériaux. Ensuite, les propriétaires d’un logement avec de l’espace et un extérieur ont parfois renoncé à vendre pour conserver ces privilèges enviés par beaucoup de Français.
La problématique ne devrait pas s’enrayer en 2022. Tout le monde veut acheter au même endroit et forcement on fait face à une flambée des prix. Si l’on souhaite changer la donne et relancer une offre à bout de souffle, on doit travailler sur l’aménagement du territoire, créer de nouveaux bassins de vie, par exemple, des zones franches pour attirer des entreprises ou des infrastructures de transport. Malheureusement, l’absence d’une vision de l’aménagement et du développement des territoires reste un sujet d’inquiétude en 2022. Elle n’est toujours pas pleinement abordée à l’approche de l’élection présidentielle.
Voyez-vous d’autres obstacles au marché en 2022 ?
La probable hausse de la taxe foncière ou la surtaxe d’habitation sur les résidences secondaires pourraient également impacter les décisions immobilières des Français. Autre sujet important : les banques, qui n’avaient jusqu’à présent que des recommandations à suivre en matière de conditions d’octroi de crédits, auront demain l’obligation de ne pas dépasser 35 % d’endettement et 25 ans de durée d’emprunt, ce qui ne sera pas sans conséquence sur les investisseurs et les ménages les plus modestes.
Quelles perspectives pour le marché de l’immobilier ancien ?
En 2022, il n’y a pas de raisons structurelles que la situation du marché de l’immobilier ancien change. L’offre est toujours nettement inférieure à la demande. Les Français veulent tous réaliser une opération immobilière que cela soit les primo-accédants, les investisseurs ou les secundo-accédants. Le marché devrait donc poursuivre sur un rythme soutenu en 2022, la rareté de l’offre pesant encore sur les prix.
Est-ce que le marché de l’immobilier en 2022 peut-être impacté par les échéances de l’élection présidentielle ?
Le marché immobilier apparaît comme préservé, dans un contexte de reprise économique. Le chômage et les taux d’intérêt, au plus bas, participent à la dynamique, tout comme l’organisation des entreprises, avec la progression du télétravail. On a le sentiment que cela ne va pas perturber les projets immobiliers des Français à l’approche de la prochaine élection présidentielle.
Quel regard portez-vous sur le changement de modèle du calcul du diagnostic de performance énergétique ?
Quatre mois après la promulgation de la loi Climat et résilience notamment sur le parc immobilier existant, les investisseurs pourraient en effet repenser leurs projets, anticipant les coûts élevés engendrés par l’obligation de rénover les logements énergivores à visée locative.
Par ailleurs, les primo-accédants sont très interrogatifs. C’est notre principale inquiétude en 2022. Il y a un vrai signal d’alerte parce que l’on oppose la rénovation énergétique à la possibilité d’offrir un toit à tous les Français.
Pour créer un marché de la revente, il va y avoir des investisseurs et des bailleurs qui ne pourront pas réaliser les travaux. Les professionnels de l’immobilier estiment qu’une rénovation énergétique performante est estimée entre 15 000 € et 40 000 €.
Pour cette raison, nous sommes alignés avec certains acteurs de l’immobilier dont la Fnaim pour mettre en œuvre, par exemple, le doublement du déficit foncier ou la possibilité d’étendre le dispositif Denormandie ancien sur l’ensemble du territoire et de ne pas le concentrer uniquement sur les 250 cœur de villes moyennes éligibles. Il serait important d’étendre le Denormandie ancien sur tous les territoires et de le caler sur le programme de la rénovation énergétique.
Propos recueillis par Sébastien Chabas