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Crise de l’immobilier : « Les mesures du Gouvernement ne sont pas à la hauteur » (D. Estrosi-Sassone)

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« La crise de l’immobilier semble destinée à s’aggraver au cours des deux à trois prochaines années. Il est regrettable de constater que les mesures envisagées par le Gouvernement ne sont pas à la hauteur de la gravité de la situation », déplore, dans une interview exclusive à notre partenaire News Tank Cities, Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice (LR) des Alpes-Maritimes.

 Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice (LR) des Alpes-Maritimes - © D.R.
Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice (LR) des Alpes-Maritimes - © D.R.

Le Sénat a rejeté les crédits logements du PLF 2024. Pourriez-vous nous en expliquer les raisons ?

Bien que certains crédits connaissent une augmentation, le gouvernement ne semble pas prendre la pleine mesure de la crise. Les perspectives offertes par les autorités ne sont pas suffisantes pour faire face à cette situation préoccupante. La suppression du Pinel, par exemple, pourrait être acceptable si elle était suivie de mesures encourageant l’investissement locatif des particuliers.

La crise du logement nécessite une approche à la fois conjoncturelle et structurelle. Malheureusement, il n’y a actuellement aucune indication que des mesures profondes seront prises, que ce soit en termes de régulation foncière ou de rééquilibrage des capacités d’investissement des bailleurs sociaux.

La crise du logement nécessite une approche à la fois conjoncturelle et structurelle

Il est impératif que le Gouvernement prenne pleinement conscience de l’urgence et de la gravité de la situation actuelle. Le rejet des crédits de la mission logement constitue un signal évident d’une insatisfaction généralisée. Nous espérons que cela incitera le gouvernement à réexaminer attentivement ses positions lors de la deuxième lecture du budget.

Cependant, le recours au 49.3 sur ce sujet ne semble faire aucun doute. Ainsi les modifications apportées par rapport aux mesures initiales du (PLF) resteront relativement modestes, en comparaison avec ce qui aurait pu être déjà voté et mis en œuvre pour l’année 2024.

Quels éléments devraient figurer dans la loi sur le logement que le Gouvernement prévoit de présenter au printemps 2024 ?

Je souhaite ardemment que cette nouvelle loi sur le logement soit véritablement à la hauteur des enjeux. Le ministre s’est montré très sûr de lui en annonçant un calendrier pour avril 2024, mais pour l’instant, cela suscite en moi une certaine réserve quant à la faisabilité de ce délai.

J’espère qu’elle ne sera pas simplement une compilation de diverses mesures, comme le laisse entendre le discours du ministre lorsqu’il évoque les différents sujets liés au logement.

En effet, de l’attribution des logements sociaux jusqu’au financement du logement social, en passant par le modèle généraliste du logement, le loyer intermédiaire et l’encadrement des loyers, tout semble renvoyé à ce futur projet de loi.

Selon-vous, le Gouvernement manque de réflexion et d’innovation dans ses propositions ? 

Les justifications habituelles, telles que la baisse des prix immobiliers permettant une régulation naturelle du marché ou la transformation des bureaux vides en logements, semblent insuffisantes face à la complexité de la crise actuelle. Les mesures actuelles, axées sur la construction de logements intermédiaires et la mobilisation du parc locatif existant vacant, peuvent apporter certaines solutions, mais elles restent limitées et ciblées.

Il est crucial de considérer des mesures disruptives, notamment en matière foncière, un aspect souvent négligé. En effet, la question du foncier, en particulier avec la mise en œuvre du ZAN est centrale dans la politique du logement. Si la préservation de l’environnement est essentielle, il est tout aussi important de reconnaître la nécessité de mobiliser le foncier de manière adaptée aux divers besoins de logement.

Il est crucial de considérer des mesures disruptives, notamment en matière foncière

En espérant que cette grande loi sur le logement puisse réellement révolutionner notre approche et répondre à l’urgence de la crise actuelle, notamment en rétablissant un parcours résidentiel fonctionnel dans notre pays.

La responsabilité de l’État sur le logement et l’habitat demeure donc essentielle ?

Le logement relève en partie d’une politique régalienne, et l’État ne devrait pas totalement se dégager de cette responsabilité.

Bien que des étapes de décentralisation aient déjà eu lieu, notamment en direction des intercommunalités, il est essentiel de donner des moyens supplémentaires, d’accroître les compétences des autorités organisatrices de l’habitat et de trouver des ressources financières permettant une intervention effective que ce soit à l’échelle métropolitaine ou départementale.

Il faut donc rester prudent quant aux orientations qui seront prises dans cette nouvelle loi sur le logement, espérant qu’elle identifie de manière approfondie les causes et les conséquences de la crise du logement, prenne des mesures à court terme tout en s’engageant dans des réformes structurelles. Cependant, j’ai des doutes quant à la volonté politique et à la faisabilité de ces changements.

Ces changements pourront être initiés par la mission d’information sur les causes, les conséquences et les remèdes à la crise du logement que vous avez décidé de lancer le 6 décembre 2023 ?

Le président du Sénat m’a adressé un courrier, soulignant que la commission des affaires économiques devrait se pencher sur la crise du logement, excluant d’autres sujets connexes tels que la rénovation énergétique des logements. Notre feuille de route consiste donc à examiner comment nous pouvons sortir de cette crise à court, moyen et long terme.

En anticipation de cette mission, nous avons organisé une table ronde avec tous les acteurs impliqués dans la chaîne du logement. Malgré des approches politiques diverses, ces acteurs ont unanimement constaté l’urgence de la situation, illustrée par la création d’une alliance pour le logement. Cela démontre la gravité de la situation et la nécessité d’une mobilisation collective, même au sein d’approches différentes.

Quelles seront les prochaines échéances de cette mission sénatoriale ?

À la suite de cette table ronde, j’ai annoncé une mission d’information, une mission flash visant à présenter le rapport mi-mars. Nos travaux débuteront par une première audition en décembre, suivie d’auditions jusqu’à début mars.

Nous solliciterons des experts et acteurs traditionnels du logement ainsi que des intervenants en politique fiscale, tels que la Banque de France. Des personnalités notables, dont Véronique Bedenac, François Rebsamen et Benoits Apparu.

Aborder la question des meublés de tourisme

Ce dernier a récemment suggéré plusieurs pistes (nouvelles formes de crédit, ouverture aux particuliers de l’investissement dans le logement locatif intermédiaire, création d’un fonds de fonds propres pour les promoteurs de mesures réellement disruptives et économes pour une politique du logement plus efficace.

Nous formulerons des propositions, certaines traditionnelles visant à renforcer ou sécuriser les mesures existantes, d’autres plus innovantes, notamment dans le domaine du foncier. Nous souhaitons creuser ce sujet souvent négligé. Nous aborderons également le lien entre emploi et logement, ainsi que la question des meublés de tourisme, des aspects cruciaux de la crise du logement.