Les villes moyennes : nouvel eldorado des porteurs de projet (Brice Cardi, L’Adresse)
Par Christian Capitaine | Le | Réseaux-franchise
Dans une interview à ImmoMatin, Brice Cardi, PDG de la coopérative L’Adresse (350 agences immobilières en France), dresse un état des lieux du marché de la transaction dans l’ancien plutôt satisfaisant, marqué toutefois par deux dynamiques hétérogènes : un fort vent en poupe pour les villes moyennes, qui contraste avec un marché parisien (intramuros) en décrochage.
Au niveau des transactions, quel bilan dressez-vous pour l’activité de votre réseau à la clôture du premier trimestre 2021 ?
Le bilan se révèle plutôt satisfaisant. L’activité réalisée, qui fut comparable à celle du premier trimestre 2020, nous a permis de rattraper un quatrième trimestre 2020 qui fut, sur le plan des affaires, plus calme. Ainsi, entre le T4 2020 et le T1 2021, nos transactions ont progressé de 5 %, alors qu’en douze mois glissants, à la fin du T1 2021, nos volumes ont affiché un niveau identique.
Nous sentons que l’activité repart. Et la crise nous enseigne que, même dans ces périodes si singulières et difficiles, l’immobilier reste, pour les Français, une valeur refuge. La levée du premier confinement nous en a apporté la preuve, avec un retour des affaires qui fut spectaculaire, mais pas seulement : le deuxième confinement de novembre dernier a aussi permis aux Français de mener à bien leurs réflexions et leurs projets immobiliers, sans les enterrer.
Quelle dynamique avez-vous observé, ces derniers temps, en fonction des territoires ? L’appétence des Français pour les villes moyennes serait manifeste…
Je vous le confirme ! Nous pouvons même parler d’une inversion de tendance, qui s’est opérée au cours des derniers mois : alors qu’hier l’attrait pour les grandes agglomérations, qui sont aussi de solides bassins d’emplois, était la norme, désormais, grâce aux possibilités offertes, en termes d’organisation de son temps, par le télétravail, on assiste à la revanche des villes moyennes. Des villes « cathédrales » comme Évreux, Chartres, Reims ou Orléans ont vu leur prix au mètre carré grimper de manière significative avec, par exemple pour Orléans, une hausse sur un an de 15 %.
Quels sont les profils de ces nouveaux propriétaires attirés par ces villes dites « moyennes » ?
Au printemps dernier, et plus précisément après la première vague du Covid-19, l’exode des grandes agglomérations au profit de ces communes a été majoritairement porté par des couples sans enfants, ou avec des enfants en bas âges, et dont les professions exercées étaient bien adaptées aux conditions du télétravail.
Désormais, ce sont aussi les cadres supérieurs, parfois plus âgés et qui peuvent également pratiquer le home-office, qui manifestent de l’intérêt pour ces typologies de villes, avec l’ambition d’en faire leur résidence principal et non plus leur résidence secondaire. Je prends un exemple concret avec Orléans : une belle maison bourgeoise de centre-ville, type hôtel particulier, est désormais acquise par un propriétaire issue d’une grande agglomération, par exemple Paris, et non plus seulement par un notable du coin.
Et dans ce contexte de hausse de la demande, les prix augmentent : alors qu’il y a un an ce type de bien se vendait entre 450 000 et 500 000 euros, aujourd’hui il faut débourser 600 000 euros.
Et qu’en est-il de l’état du marché dans les grandes agglomérations ?
A Paris, nous avons observé, au premier trimestre 2021, une baisse des prix de 1,1 % et près de 3 % sur un an. Cela est dû au décrochage du marché, qui fut prégnant dès l’été dernier dans l’Est de la Capitale. Nous avons alors commencé à nous retrouver avec des stocks de mandats plus importants que les mois précédents. L’un des principaux facteurs de ce repli est bien identifié : l’envie des Parisiens, et notamment des familles, de vendre leur appartement pour déménager en petite ou grande couronne, là où ils pourront se mettre au vert en investissant dans une maison individuelle. Je pense ici à des villes comme Meaux ou Melun qui ont connu, ces derniers mois, des hausses considérables de leur demande.
Dans ce contexte, les appartements à Paris intramuros sans balcon ni surface extérieure trouvent plus difficilement preneur qu’hier. En revanche, le décrochage dans les autres grandes agglomérations du pays s’avère moins prégnant. Dans des villes comme Toulouse, Montpellier ou Bordeaux, alors que l’offre se tarit, le nombre de potentiels acquéreurs reste tout à fait significatif.
Relevons, enfin, un dernier phénomène : la ruée vers l’Ouest, qui se matérialise par un fort vent en poupe des communes telles que Nantes, Brest, Rennes ou Angers.
Quel est l’impact du 3e confinement, depuis le 18 mars dans les 16 départements concernés, sur l’activité de votre réseau ?
Il est bien moins fort, et même incomparable à celui du premier confinement du printemps 2020. Certes nos agences sont fermées, mais nous pouvons travailler, organiser des visites. Aussi, les professionnels de l’immobilier se sont adaptés, avec la multiplication des usages des outils digitaux et des visites virtuelles.
Du côté des changements, nous prêtons, c’est vrai, davantage attention aux acquéreurs et en limitant, avec eux, le nombre d’interaction. Certainement que nous les qualifions davantage avant d’organiser avec eux les visites de biens.
Quant à l’instauration du couvre-feu sur le territoire, il nous impacte davantage en région parisienne où les habitants ont plus l’habitude de vouloir organiser les visites en fin de journée.
Quelles perspectives dressez-vous pour l’évolution du marché en 2021 et au-delà ?
Il devrait se maintenir au deuxième trimestre 2021, et même jusqu’à la fin de l’année. Reste l’interrogation 2022. Qu’en sera-t-il du niveau de l’inflation ? Si elle progresse, comme bon nombre d’observateurs le prévoient, les taux remonteront mécaniquement et le marché de l’immobilier s’en trouvera impacté, avec une baisse des volumes de transactions. Gardons également un œil sur Paris, qui demeure une valeur repère. Si les prix continuent d’y baisser, qu’en sera-t-il de ceux des autres grandes agglomérations ? Pourra-t-on conserver de tels écarts ?
Je reste néanmoins positif : dans un contexte où l’offre reste rare et où la pierre fait plus que jamais office de valeur refuge, nous avons observé, ces derniers mois, un niveau historiquement bas des mises en chantiers dans le logement, auquel sont venues se greffer des hausses importantes de matières premières. Une questions alors se pose : les porteurs de projets dans le neuf se tourneront-ils vers l’ancien ?