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« Que faire de la vague de bureaux vides qui arrive ? » (B. Heurteux, LPI, et O. Conus, Adequation)

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Dans l’immobilier de bureaux, « la vraie question est : que faire de la vague de bureaux vides, neufs et anciens, qui arrive ? Faut-il seulement attendre que les valorisations dégringolent ? Notre ambition est d’aider à comprendre l’attractivité des territoires et les différentes polarités », affirment Blaise Heurteux, associé et cofondateur de La Place de l’Immobilier, et Olivier Conus, directeur des partenariats chez Adequation.

« La transformation de bureaux en logements reste un segment émergent de la promotion immobilière » - © D.R.
« La transformation de bureaux en logements reste un segment émergent de la promotion immobilière » - © D.R.

La Place de l’Immobilier et Adequation ont publié, en janvier 2024, une étude sur le niveau d’occupation des immeubles tertiaires et sur les besoins résidentiels dans les communes d’Île-de-France et de la métropole lyonnaise, avec en point de mire de possibles transformations de locaux d’activité en logements.

« Notre test, sur les deux territoires franciliens et lyonnais, a permis de démontrer la faisabilité de la méthode d’analyse. Elle est reproductible sur d’autres territoires ou à des échelles géographiques plus fines que la commune, par exemple le quartier ou l’IRIS. Cette approche intéresse l’ensemble de la filière », déclare Olivier Conus.

« Notre étude fait ressortir les territoires présentant les plus forts potentiels de transformation de bureaux en logements sur ce type particulier de ressource foncière », dit-il.

Blaise Heurteux et Olivier Conus répondent aux questions de notre partenaire News Tank.


Adequation et La Place de l’Immobilier ont publié en janvier 2024 une étude sur le niveau d’occupation des immeubles tertiaires et sur les besoins résidentiels en Île-de-France et dans la métropole lyonnaise. Avec quels objectifs ?

BH. Nous avons concentré notre focale sur l’offre et la demande, bien qu’il y ait beaucoup d’autres critères qui sont plus des contraintes de faisabilité : architecture, différentiel de prix résidentiel et bureau, volonté des mairies…

De plus, c’est aussi un sujet politique localement. Le problème n’a pas la même portée quand il s’agit d’un immeuble isolé vide ou d’une zones entière. La mairie doit s’engager au côté des investisseurs. Nous savons que des livraisons sont programmées dans les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis, avec une accélération à venir.

La vraie question est : que faire de la vague de bureaux vides, neufs et anciens, qui arrive ? Faut-il seulement attendre que les valorisations dégringolent ? Notre ambition est d’aider à comprendre l’attractivité des territoires et les différentes polarités.

OC. La Place de l’Immobilier et Adequation se connaissent de longue date, intervenant de manière similaire sur des marchés différents. C’est pourquoi nous avons décidé de croiser nos banques de données exclusives sur l’état du parc immobilier tertiaire pour La Place de l’Immobilier et sur le marché résidentiel pour Adequation.

Ce travail a du sens pour nos clients respectifs. Les données de La Place ont permis d’identifier les communes ayant des immeubles de bureaux obsolescents ou vacants de manière structurelle. Celles d’Adequation montrent les dynamiques résidentielles en termes de rythme de construction neuve et de valeur.

Il faut répondre aux besoins de logement dans un contexte où les opérations sont difficiles à sortir. Notre étude fait ressortir les territoires présentant les plus forts potentiels de transformation de bureaux en logements.

Comment avez-vous pu « cartographier » les opportunités de transformation et quels sont les secteurs urbains à potentiel ?

BH. En région parisienne, les données permettent d’objectiver et de confirmer l’intuition des acteurs du territoire. Il existe un potentiel important de transformation dans les villes de première couronne en perte d’attractivité tertiaire à Nanterre, Suresnes, Courbevoie, à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), à Saint-Denis, Clichy ou Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis).

À l’inverse, les quartiers centraux dans Paris (QCA) offrent peu opportunités. Résultat : l’attractivité forte et la faible vacance rendent le parc tertiaire existant moins propice au changement de destination.

OC. Dans la région lyonnaise, les potentiels sont centrés majoritairement sur l’est lyonnais à Décines-Charpieu, Saint-Priest, Rillieux-la-Pape… Il y a pléthore de bâtiments vieillissants en R+3 dans des communes en croissance démographique.

Des opportunités de transformation d’actifs tertiaires en logements existent sur le cœur de la métropole, en particulier à Villeurbanne et dans une moindre mesure dans les 3e, 7e et 8e arrondissements de Lyon.

En volume, les opportunités sont plus nombreuses sur la région Ile-de-France, dont le parc tertiaire est 6 à 7 fois plus important que celui de l’agglomération lyonnaise (56 millions de m², contre un peu moins de 7 millions), même s’il est moins vieillissant. 

Qui sont les destinataires prioritaires de votre travail ?

OC. Notre test, sur les deux territoires franciliens et lyonnais, a permis de démontrer la faisabilité de la méthode d’analyse. Elle est reproductible sur d’autres territoires ou à des échelles géographiques plus fines que la commune comme, par exemple, le quartier ou l’IRIS.

Cette approche intéresse l’ensemble de la filière. D’abord les collectivités locales qui sont confrontées à de forts besoins en logements insatisfaits sur l’ensemble des segments de marché, les logements libres, abordables, sociaux et dédiés à des cibles spécifiques comme les étudiants, les jeunes actifs ou les seniors…

Face à la rareté foncière, soucieuses de garder des espaces de respiration en ville, elles verront dans ces opportunités de réelles possibilités de développement d’une offre nouvelle, dense et moins carbonée, en évitant l’émergence de friches.

Ensuite, les opérateurs immobiliers, y compris les bailleurs sociaux, y trouveront une ressource certes moins malléable qu’un foncier nu ou à démolir, mais qui a l’avantage d’exister dans l’environnement urbain. Ce qui réduit les risques de recours et oppositions locales, et facilite la conformité avec le ZAN et l’impératif de décarbonation de la construction.

Enfin, il y a les propriétaires dont les actifs tertiaires sont en perte de valeur. Ils pourront analyser le potentiel de transformation de leurs biens au vu du marché résidentiel dans un environnement immédiat. Comme avec le BRS, nous croyons à une logique de croissance. Elle est passée de quelques centaines de logements par an, sur 400 000 logements neufs, à plusieurs milliers. Comme le BRS, la transformation de bureaux en logements est une des réponses, elle n’est évidemment pas la seule.

Une estimation de production de logements, à court ou moyen terme, est-elle faisable ?

BH. La transformation de bureaux en logements n’est encore qu’un segment émergent de la promotion immobilière, mais elle est regardée par de nombreux acteurs, malgré sa complexité. S’il est évident qu’elle n’est pas à applicable partout, elle a sa raison d’être là où les surfaces de bureaux sont excédentaires et l’offre de logements en panne.

On estime actuellement à quelques milliers d’unités par an la production de logements issue du changement d’usage. Un meilleur repérage des opportunités pourra gonfler ce volume et permettra d’éviter la formation de friches.

Les usages sont en train de changer profondément dans l’immobilier. Nous sommes à la fin d’une modèle qui privilégiait l’offre, avec des professionnels opérant chacun de façon trop silotée. La mixité des usages, de plus en plus prônée, vaut aussi pour les tours (IGH). Les tours de bureaux sont un vrai sujet, notamment pour ceux qui veulent développer leurs revenus locatifs.

Quelle suite sera donnée à cette première étude ?

OC et BH. La logique de notre partenariat, informel et inédit, est que 1+1 vaut toujours plus que 2. Ce premier travail d’expérimentation à partir de nos bases de données a eu de belles retombées. La prochaine étape sera de zoomer sur certains secteurs pour valider notre approche.

Nos bases de données nous donnent la capacité de creuser davantage sur les deux territoires, comme nous le faisons aussi via le Consortium de Bureaux en France, avec la Foncière de Transformation Immobilière et Linkcity, sur toute la France depuis 2023.